Le Point, 11 février 2010, par Marine de Tilly

Mario, relève-toi, ils sont devenus fous !

Journaliste, caricaturiste, professeur de droit et romancier espagnol surprimé – Prix Nadal à 28 ans pour son premier roman (L’ombre du cyprès est allongée) et prix Cervantès en 1993 pour l’ensemble de son œuvre –, Miguel Delibes est l’une des grandes figures de l’après-guerre civile. Cinq heures avec Mario, monologue pénétrant d’une veuve adressé à son mari, est celui de ses textes qui suscita le plus d’adaptations à la scène, dans toutes les langues. Heureusement pour Mario, il est déjà mort, car il n’aurait pas supporté la petitesse matérialiste du discours de Carmen, son épouse ; lui l’intellectuel dépourvu d’ambition sociale – qui avait été « incapable » de lui offrir une Fiat et de l’argenterie –, lui « le rouge », figure héroïque de l’opposition au régime – si seulement il avait été plus conciliant, il aurait pu leur acheter un appartement plus grand ! Comme souvent chez Delibes, le choc du bien contre le mal est traité par le biais de la caricature. Mais, quand le roman sort en 1977, il fallait au moins ça pour tenter de ramener à la raison toutes les Carmen de cette Espagne rendue folle par la dictature franquiste.