Bulletin critique du livre français, mai 1990

Interroger l’enfant pour toucher, atteindre l’âme des hommes à travers la nostalgie des jeux. Cette nostalgie rilkéenne, qui loin d’être une faiblesse, un repli passéiste, est, peut-être, un puissant moteur, le ressort essentiel d’une œuvre parmi les plus rares de la poésie universelle. Encore que le terme Sehnsucht, que nous sommes bien obligés de traduire par nostalgie, dit une portée plus large en allemand où il évoque aussi le désir, l’impatience de l’âme… Un terme qui pourrait définir assez bien la démarche de l’auteur des Élégies de Duino. La Sehnsucht, un chant profond, l’écho sonore de toute une œuvre où la musique, loin d’être une vague allusion aux sens, est, au contraire, la manifestation d’une architecture rigoureuse, la haute voussure de ce chant unique qui éclate dans les Sonnets à Orphée porteurs de la suprême lyre…