Libération, 23 septembre 2006, par Éric Loret

Bashô Friches

Bashô (1644-1694), c’est, pour aller vite, le type qui a dégraissé le haïkaï. Son pseudo veut dire bananier : il avait élu domicile en face d’une plantation. Puis sa maison flamba, l’impermanence le brûlait, il passa la plupart de sa vie en pèlerinage (voir ses Journaux de voyage). Dans ce recueil, Bashô est minoritaire, puisque les versets proposés sont compilés de l’école d’Ogawari, qu’il avait inoculée sans faire exprès. Pour comprendre en quoi Bashô tranche sur le classicisme éthéré prévalant à son époque, il suffit d’ouvrir au pif :  « On a forcé sur le saké/Sous la lune ces temps-ci. » René Sieffert, dans des commentaires aussi érudits qu’amusants, explique quel genre de crimes l’école d’Ogawari perpètre, par exemple en se plaçant sous les auspices d’un hokku fameux de Sôkan,  « À la lune pleine/si vous adaptez un manche/le bel éventail. »