Études, juillet 2012, par Marie Goudot

Inclassable, le dernier livre de Vassili Golovanov l’est davantage que n’importe quel texte. Ni essai, ni récit de voyage, ou alors d’une manière absolument singulière. C’est que l’auteur s’y manifeste (tant d’expressions dont il qualifie d’autres écrivains pourraient lui convenir) comme un arpenteur de terres, un géographe métaphysique. Des dénominations froides ? Une œuvre savante ? Qu’on s’aventure dans ce livre – magnifique, il faut le dire d’emblée – on comprendra vite qu’il s’agit de tout autre chose. Que, si érudition il y a, elle est source de poésie et toujours nécessaire. On se laissera emporter par les six récits conduits d’une manière aussi renouvelée que stupéfiante. Chacun d’eux tente d’approcher un lieu (mythique ou réel, insituable le plus souvent, telle la source de la Volga) en même temps que l’œuvre qui s’y est enracinée par le passé (la poésie de Khlebnikov, le Tchevengour de Platonov), tout en s’employant à mettre au jour ce qui les unit mystérieusement et, dans la même quête, à trouver une clé qui permette de saisir ce qu’est devenue la Russie, ou ce qu’elle n’est plus. Si la structure des récits est hors normes, la langue ne l’est pas moins : charnelle, terrienne même, toujours envoûtante (quel travail de traduction !) mais différente dans chaque texte, en une véritable alchimie avec les espaces qu’il explore. Ce qu’il y aurait à dire d’un aussi vaste livre ne saurait être réduit à quelques lignes. Ce qui s’y déploie – page après page – est un plaisir pour les yeux, pour l’esprit, comme d’une humanité étonnante. Un voyage à cœur ouvert à travers la Russie d’aujourd’hui et d’hier qui est à lire de toute urgence. À savourer et à méditer.