Les Inrockuptibles, février 2012, par Élisabeth Philippe

De Potemkine à Poutine

[…] si elle s’est effondrée il y a vingt ans, l’URSS continue de travailler la littérature russe contemporaine, imprégnant les textes d’auteurs majeurs comme Vladimir Sorokine […]. Elle sert également de toile de fond à deux romans qui paraissent aujourd’hui. Dans Schubert à Kiev, l’écrivain et violoniste Léonid Guirchovitch décrit l’Ukraine de 1942, prise en étau entre le pouvoir soviétique et l’occupation allemande. En 1941, les nazis ont exécuté 33 771 Juifs de Kiev. Le massacre de Babi Yar. Quand Le metteur en scène de l’Opéra découvre l’origine juive de la pianiste Valentina Maleïeva et de sa superbe fille Pania, il cherche à les faire chanter : son silence contre leurs faveurs sexuelles. Conçu comme un opéra, le roman déconcerte par son ton outrancier, bouffon et parodique. « Tout cela, c’est un peu du théâtre de marionnettes en prose », admet le narrateur, ajoutant : « L’auteur est mort, comme on dit. » Avec lui s’est consumée une certaine tradition du roman russe, fresque aussi ample que minutieuse, avec sa myriade de personnages qui semble avoir volé en éclats en même temps que L’URSS. […]