Bulletin critique du livre en français, avril 2005

L’article qui donne son titre à ce recueil de textes a d’abord été publié en anglais. Dans La Cérémonie de la naissance, il est question de la naissance (de Jean-Paul Sartre) au travers de l’ouvrage Les Mots. Mais, d’une certaine façon, ce titre, passé en tête de recueil, déborde Sartre et nous parle plus précisément de la relation entre Sartre et Benny Lévy, dont on sait qu’il fut, sous un autre nom, son secrétaire. Cette relation, il est vrai, fait à Sartre la place d’un éveilleur, et comme le précise B. Lévy, un éveilleur au Retour, un éveilleur à la pensée du Retour. Dès lors, cette cérémonie de la naissance – B. Lévy naissant grâce à Sartre – qui s’est probablement opérée au milieu d’une grande confusion, est aussi devenue une cérémonie des adieux. B. Lévy a quitté Sartre, grâce à Sartre, en devenant simultanément un bon révélateur de certains points difficiles de la doctrine de Sartre. La relation entre les deux écrivains est certes complexe, mais elle a permis à l’un et à l’autre de déployer son œuvre ou la fin de son œuvre. B. Lévy le précise d’ailleurs : « je ne vous le cache pas, je cherche, dans ces allers-retours, les accrocs, les accidents ». C’est dire si la discussion, article par article, se raffine et prend de l’ampleur. Les quatre premiers articles datent cependant des années 1975-1986, tandis que les deux derniers datent de 2000-2002, ce qui indique aussi que leur teneur diffère largement. Le seul point commun est sans aucun doute le mode d’écriture. On pourrait parler d’une écriture « à la citation ». Les textes de Sartre sont abondamment cités, au cœur d’un commentaire qui dérive par rapport à eux, afin d’établir le plus souvent autre chose. À dire vrai, cela donne à cet ouvrage une double dimension : celle du commentaire de passages de Sartre et celle de l’élaboration de la pensée propre de B. Lévy. Partant de la question sartrienne de la révolution, des rapports entre le possible et les limites, l’auteur débouche sur la découverte d’un Sartre « imprévu », le Sartre qui a fécondé le « retour des juifs ». On se retrouve devant la même question que celle de la révolution, mais sous un autre angle, celui des rapports entre le particulier et l’universel. Pour ceux qui maîtrisent bien la pensée de Sartre, et désormais la pensée de B. Lévy, cet ouvrage est passionnant, très suggestif, et d’une très grande cohérence.