Jerusalem Post, 9 juin 2009, par Nathalie Bitoun

Logos ou Talmud ?

Comment parler philosophiquement de Dieu ? Comment réconcilier ceux qui, d’Orient ou d’Occident, athées ou croyants, polythéistes ou monothéistes, Juifs, Chrétiens ou Musulmans, se sont interrogés sur la notion d’existence divine ? Comment mettre fin à cette tension manifeste qui existe entre le Dieu des philosophes et celui des croyants ?
La pensée contemporaine présente d’importants exemples de philosophies d’inspiration religieuse, pour lesquelles Dieu semble être à la fois un fait religieux et une réponse philosophique. Un mariage d’amour entre le « sensé biblique » et le « sensé philosophique », où le Logos et le Talmud convolent en justes noces.
C’est précisément ces interrogations que Benny Lévy renouvelle dans une retranscription posthume de séminaires et de cours dispensés tout au long de sa carrière d’enseignant. Au fil de ces vingt-trois séances, l’auteur livre la quintessence de la pensée lévinassienne. En s’inspirant de Yehouda Hanassi, Léo Lévy, sa veuve, transforme en une œuvre écrite ce qui n’était jusqu’à présent que transmission orale. De novembre 1996 à juillet 1997, lors de séminaires qu’il a tenus à Jérusalem, Benny Lévy épluchait les mots, décortiquait minutieusement chaque expression et les sens cachés qu’elle renferme. S’ensuit une réflexion sur ce que « le moderne n’accepte pas de la piété traditionnelle ». Une source d’intérêt pour Lévinas qui voit en la création de l’État d’Israël se rencontrer l’histoire universelle et l’histoire sainte ou la possibilité « qu’il y ait dans l’État démocratique le souvenir du divin ».
Celui qui se faisait appeler Pierre Victor dans ses années soixante-huitardes d’engagement maoiste, rencontrera la philosophie avec Sartre (dont il sera le secrétaire particulier jusqu’à la mort de ce dernier) puis l’étude talmudique avec Lévinas. Ce livre s’inscrit dans la volonté qu’avait eu Benny Lévy de populariser la pensée lévinassienne dans le cadre de l’institut d’études lévinassiennes qu’il avait créé avec Alain Finkielkraut et Bernard-Henry Lévy.
Hommage à ses maîtres, Benny Lévy joue le rôle d’agent de liaison posthume qui construit des ponts entre des mondes que le « tout rationnel » sépare. Retranscription d’une réflexion orale, pour un passage de génération en génération.