La Liberté, 1er décembre 2012, par Alain Favarger

Un ensemble de lettres

Visage ascétique, regard acéré, lèvres minces, il ressemblait un peu à Samuel Beckett qui admirait son œuvre, un ensemble de tableaux au dynamisme fulgurant. D’une rare richesse intérieure, au chromatisme très pur. Né aux Pays-Bas en 1895, mort en 1981 à Grimaud, près de Saint-Tropez, Bram van Velde conjugua élan créateur, solitude et pauvreté. Manquant souvent de quoi s’acheter toiles et couleurs, il vécut dans le dépouillement, avec l’aide de ses amis, mécènes et collectionneurs. Comme le négociant hollandais E.H. Kramers, au début de sa carrière, et le très fidèle Jacques Putman, qui lui permit de briser son isolement après l’échec de deux expositions à la Galerie Maeght en 1948 et 1952.

On peut lire aujourd’hui de cet artiste hors modes, qui vécut assez longtemps à Genève, un ensemble de lettres à trois destinataires privilégiés : Marthe Arnaud, sa compagne, Jacques Putman et l’épouse de celui-ci, Françoise Porte. Cette correspondance a une valeur d’autoportrait pour un artiste qui s’est peu exprimé sur lui-même et sa démarche. Dans son français approximatif, le peintre explicite sa quête et le sens d’un travail qu’il percevait comme « un saut, un salto vers la vie, vers l’énergie qui fait vivre ». Souvent il précise que le réel l’intéresse peu, ce qu’il recherche et veut voir relevant de l’invisible. Et pourtant ces toiles, ces tableaux devant lesquels le peintre « se retranchait des heures » sont bien là, miroir du désir affolant de frôler l’impossible.