Le Monde, 14 novembre 2004, par Jean-Luc Douin

Hommage à Richard Dembo

Le cinéaste français Richard Dembo est mort brutalement, jeudi 11 novembre, à l’âge de 56 ans.
Né à Paris le 24 mai 1948, Richard Dembo avait été l’assistant de Jean Schmidt, George Stevens, André Téchiné, à l’origine (avec d’autres) de la création de la Société des réalisateurs de films et de l’ARP, et le cofondateur avec Pierre-Henri Deleau de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes.
D’origine juive, il ne cachait pas son désir de faire un cinéma qui respecte les critères moraux de la Tora, qui ne montre ni baisers, ni actes sexuels, ni nudité. Et qui se défie de représenter l’homme en trois dimensions, à cause du danger d’idolâtrie. Également metteur en scène de théâtre et d’opéra, Richard Dembo était connu pour son premier film, La Diagonale du fou (1984), qui avait obtenu le prix Louis Delluc, le César du meilleur premier film, et l’Oscar du meilleur film étranger. Il y racontait, au temps de la guerre froide, une partie d’échecs entre un Soviétique orthodoxe invaincu depuis 12 ans (Michel Piccoli), juif lituanien, et un dissident exilé en Europe.
Revendiqué comme « un film sur l’intelligence », La Diagonale du fou était, reconnaissait-il, un film « extraordinairement autobiographique ». Il devait faire partie d’un triptyque sur « L’homme sans Dieu », les deux autres devant être consacrés aux rapports à la beauté, et au pouvoir, avant de se consacrer à un autre cycle sur « L’homme vers Dieu ».
Mais il avait dû attendre près de dix ans avant de pouvoir réaliser son second film, L’instinct de l’ange (1993), sur les pionniers de l’aviation en 14-18. Un film-parabole sur la solitude du génie, une valorisation de l’être d’exception, ascète haï par ses camarades.
Il venait de tourner deux nouveaux films, encore inédits en salles La Carpe dans la baignoire, avec Jean-Claude Dreyfus, Patrick Braoudé et Tsilla Chelton, et La Maison de Nina, avec Agnès Jaoui, Charles Berling et Gaspard Ulliel, où il évoquait l’histoire d’enfants déportés qui sont accueillis après la Libération dans des « maisons d’enfants ».