Le Monde, 31 mars 2006, par Monique Petillon

La villa Chagrin, à Bayonne, fait l’angle des boulevards Alsace-Lorraine et Jean-Jaurès. En 1938, on y enfermait ceux qui tentaient de rejoindre l’Espagne ou ceux qui la quittaient. Sujet hollandais, revenu depuis peu de Majorque après la mort de sa femme Lily, Bram Van Velde est arrêté lors d’une promenade dans les environs, avec sa compagne Marthe Arnaud-Kuntz faute de papiers d’identité, il est emprisonné quatre semaines à la Villa Chagrin où il réalise une série de dessins – le Carnet de Bayonne. C’est en ce lieu précis, à mi-chemin entre l’Adour et la maison où vit la narratrice, que se croisent deux histoires celle où, douloureusement, elle perd de vue l’homme qu’elle aime, et celle qui unit Bram à l’énergique Marthe, qui en 1959, devenue presque aveugle, mourra renversée par une voiture. Le tissage subtil des notations brèves, la densité poétique de l’écriture mêlent magnifiquement le récit et l’hommage au peintre qui écrivait à Beckett : « Mon travail c’est un saut, un salto vers la vie, vers l’énergie qui fait vivre. »