Olé !, 2 novembre 2011, par Daniel Bégard

Si l’on a connu François Dominique en éditeur rigoureux, en essayiste se confrontant à la perversion du négationnisme, ou en auteur d’un récit (Aséroé), interrogeant ce qui lie au plus profond l’écrivant et les mécanismes de l’écriture, on sera surpris de le voir nous revenir sous la voix d’apparence fragile de Solène, une adolescente jetée dans un monde fracassé, apocalyptique, qui ne tient encore que par la volonté dérisoire de parents feignant la normalité. Mais dès que Solène nous laisse voir son environnement : une banlieue lyonnaise une maison isolée, un parc, des parents, une fratrie et découvrir ce qui menace, terre ciel et mutants ligués, elle nous prend à témoin d’un terrible apprentissage où les mots, les siens, et ceux qui subsistent inutiles et tourbillonnants, sont une partie au moins de l’enjeu, et de ce qui se joue. Car Solène parle beaucoup, entend les autres, ses proches, et surprend ce qu’ils pensent, une totalité où elle nous entraîne, nous laissant à peine garder nos distances. Nous sommes là et c’est l’absolue réussite de François Dominique dans la grande tradition et l’efficacité du conte, celle des frères Grimm.

Mais le conte n’a de vertu que s’il peut se lire dans une actualité au moins latente qui facilite les identifications. Solène vit aussi avec les aléas des systèmes de sécurité défaillants, des météorologies insensées, des appareillages de communication hoquetant ou muets et les mots, toujours « qui s’effacent plus vite que de la poussière » ou produisent « d’affreux grésillements qui n’ont plus de sens et vous font éclater la tête ». Aussi Solène est assez exactement un conte pour Kinder-und-Hausmärcher (pour les enfants et les parents) ce qui n’étonnera pas d’un auteur assez germaniste pour proposer en guise d’épilogue trois citations. L’une de Kafka et deux de Walter Benjamin dont une au moins résume une sorte de projet pédagogique « L’idéal de l’expérience vécue sous forme de choc est la catastrophe ». Un livre fort, fascinant, à lire et à offrir aux adolescents de vos entourages sans modération.