Bulletin critique du livre français, avril 1992

Entre la présence obsédante de la mère et la mort portée à l’intérieur de soi, entre l’enfance déchirée et l’incapacité de devenir adulte, comment échapper à l’enfermement ? L’écriture ne constitue-t-elle pas aussi une modalité de son propre emprisonnement ? Tenter pour le narrateur d’achever le dernier chapitre de son livre ne conduit-il pas directement à la mort ? Alors Le Balcon, seule ouverture de la chambre close de l’écrivain, devient un observatoire de l’extérieur, un fascinant appel du vide, ou le lieu d’une apparition se rattachant à la vie. La silhouette de Jane, l’adolescente qui aime cet écrivain prématurément vieilli, incarne cette vie. Mais sa présence suffira-t-elle à exorciser les peurs et à empêcher la mémoire d’exhumer de tragiques souvenirs ? Tout le récit se déroule en un lieu unique, fermé. L’atmosphère pesante est encore accentuée par les crises d’étouffements dont est victime le narrateur, prisonnier de ses peurs, de sa maladie et de son livre à terminer. Les seules échappées dans le temps et l’espace sont contenues dans les délires et les rêves d’où surgissent la figure de la mère, de l’enfance, de la guerre et de l’amour. Au-delà de l’écriture, puissamment évocatrice, il appartient au lecteur de décider de plonger dans cet univers angoissant dont on ne ressort pas indemne.