Esprit, décembre 2007, par Jean-Louis Lambert

[…] Les nouvelles des Ultimes vérités sur la mort du nageur de J.-Y. Masson ont une telle unité stylistique et thématique qu’on les lit comme un cycle, presque comme un roman. J.‑Y. Masson se considère‑t‑il comme un « écrivain fantastique » ? En tout cas, c’est bien comme tel qu’on peut en proposer une lecture. Car le fantastique français a plusieurs branches. Celle où s’aventure J.‑Y. Masson est certainement la plus « psychologique ». Les récits fantastiques racontent volontiers des voyages aventureux dans des pays dangereux où tout est signe d’une mort proche. Les pays visités par les voyageurs de ce recueil de nouvelles, ces lieux désertés, ces rues abandonnées à la limite de la campagne et des faubourgs urbains, peuvent être lus comme des au‑delà qui annoncent la mort, physique ou psychique. L’auteur renoue avec une tradition précoce du fantastique européen qui a vu très tôt dans les voyages, par exemple à travers une forêt (qu’on songe au Roi sans divertissement de Giono) ou – singulièrement – dans un train (ou un bus) une métaphore du voyage vers un pays qui est celui de notre mort : après Le Sanatorium aux croque‑morts de Bruno Schulz, La Choucroute de Jean Ray, les Escales de la haute nuit de Marcel Brion, Le Train de la lenteur (Un soir un train) de Johan Daisne, Jean‑Yves Masson ajoute de nouvelles pépites à cette riche thématique. Évidemment, chez cet auteur moderne, on se doute que certaines innocences sont perdues. Ces voyages se font au bout de notre inconscient, et on peut voir dans ce recueil les diverses façons d’appréhender notre difficulté de vivre notre famille, que ce soit avec la mère (« Un voyage »), le père (« Une terreur »), la soeur (« Un retour »), ou même la grand‑mère (« Un silence »). Par la fine beauté de son écriture et le recours à des épisodes narratifs lancinants, Jean-Yves Masson mène son lecteur avec une insidieuse douceur vers la folie ultime.