Livres hebdo, 22 février 2008, par Michel Puche

Arènes parlantes

François Zumbiehl nous avait déjà mis Des taureaux dans la tête (Autrement, 2004) et raconté la vie de Manolete (Autrement, janvier 2008). Le voilà qui revient enrichir notre thésaurus taurin avec Le Discours de la corrida, à paraître chez Verdier.

Depuis plus de trente ans qu’il fréquente toreros et éleveurs, l’auteur sait ce que parler de toros veut dire. Ici, il s’adresse davantage à des aficionados qu’aux simples « spectateurs ». Mais son livre aidera aussi ces derniers à mieux comprendre et à mieux voir la corrida.

La matière de son essai est constituée d’interventions orales et improvisées, certes remises en perspective, de professionnels espagnols. Écoutons Curro Romero, gloire de Séville, aujourd’hui retiré : « Moi, la véronique, je la donne avec tout le corps, depuis les cheveux jusqu’à l’ongle de l’orteil. Tout est senti. »

Parfois contradictoires – ah ! les éternelles discussions autour du temple, cette manière de ralentir la charge du toro avec le leurre… –, les réflexions recueillies n’en constituent pas moins une somme de commentaires, de confidences, voire d’aphorismes qui enrichissent la culture taurine. Apparaît alors une tauromachie idéale, « transfigurée par la mémoire collective ou individuelle ». Mais qu’adviendra‑t‑il de cette parole taurine à l’heure de la télévision et de la vidéo ? L’éleveur Victorino Martin s’interroge : « La vie moderne ôte peu à peu de la vie au spectacle, ce beau jaillissement qui surgit lorsque sort un toro brave. » Plus pessimiste encore, Roberto Dominguez : « À l’évidence, avec le toro actuel nous sommes en train de dégénérer. »

François Zumbiehl remarque enfin que le langage taurin déborde, surtout en Espagne, le cadre de l’arène et qu’il est utilisé comme une permanente métaphore des péripéties de la vie. Ces emplois témoignent d’une conviction plus profonde, reprise par tant d’écrivains (Hemingway, Montherlant, Leiris, Unamuno, Machado…), selon laquelle, conclut l’auteur, « la vie est une tauromachie ».