La Liberté, 20 octobre 2012, par Alain Favarger

La matrice de l’imaginaire

Pour la plupart des écrivains, le lien aux lieux de l’enfance reste viscéral. Car il renvoie à la matrice même de leur imaginaire, petite fabrique intérieure, source majeure d’émois et de souvenirs. Pour Pierre Michon, adepte du récit court ardemment ciselé, la maison fondatrice n’était ni un château au parc luxuriant ni un manoir entouré de lierres. Mais la petite ferme de ses grands-parents maternels, dans la Creuse, qu’ils avaient laissée en plan lorsque leur petit-fils avait deux ans, pour aller habiter avec leur fille, abandonnée par son mari. La ferme, ils y retournaient les quatre en été t l’écrivain de se souvenir à quel point son cœur battait le long du chemin comme avant d’arriver dans une terre promise. Images de l’étang miroitant dans le soleil, des arbres, des oiseaux, de tous les verts de juillet.

Ce lieu embroussaillé, au fil du temps délabré, a été restauré depuis par l’écrivain qui en est devenu l’héritier. L’auteur a accepté que la photographe Anne-Lise Broyer arpente et fixe sur la pellicule cet endroit essentiel. D’où un beau livre au format de cahier d’écolier mettant en résonance les images et, sous forme d’interview, les propos de Pierre Michon. D’un côté des photos fascinantes en noir/blanc ou en couleurs avec des effets de brouillard, « des nappes spectrales ». De l’autre, la voix de l’auteur faisant vibrer la chair de l’intime. L’accord de l’amour et de son objet.