Le Monde, 20 juin 1986, par M. F.

Le charme de Ginevra Bompiani

Ginevra Bompiani, romancière, essayiste, spécialiste de littérature anglaise, a écrit, voici une dizaine d’années, un petit volume qui vient d’être publié en France par les éditions Verdier, auxquelles on doit déjà quelques belles trouvailles dans le domaine italien. C’est un recueil de brefs récits en prose, sur des sujets mythologiques : la seconde partie, par exemple raconte les travaux d’Héraclès. D’Héraclès, et non pas d’Hercule car c’est bien aux mythes grecs que l’auteur se réfère.

Il faut souligner que le propos de Ginevra Bompiani n’est pas théorique, et qu’elle se limite délibérément à raconter, à son tour, ces histoires qu’on croit toujours connaître, mais qui prennent ici un sens parfois nouveau, car elles sont, au sens propre, inépuisables.

Dans une prose limpide, musicale, extrêmement élaborée, et parfaitement rendue par la traduction d’Eliane Formentelli, l’auteur parle des choses les plus simples et les plus graves, non sans humour à l’occasion, comme dans le texte qui a donné son titre à l’ensemble et qui évoque la figure paradoxale des Centaures, que leur conformation condamne à l’insomnie. C’est ainsi que, semblant se réfugier dans un univers fantastique et lointain, Ginevra Bompiani ne cesse de réfléchir sur le réel, avec une simplicité sereine dont l’érudition ne vient jamais ternir le charme.