Le Magazine littéraire, juin 1995, par Philippe di Meo

En quelques pages paisibles, tableautins, vignettes et autres décalcomanies, Réda va droit à l’essentiel. À travers un détail significatif judicieusement choisi, symboliquement disert, en quelques coups de plume il campe ses silhouettes autour d’une figure ou, plutôt, ainsi qu’il l’affirme, autour d’une « note » musicale pertinente. Celles-ci se révèlent aptes à faire résonner l’œuvre et le rapport que son auteur établit avec elle comme avec le monde.

Réda résume son point de vue d’un mot ou deux. Et ce même mot il en fait le blason de sa galerie, collection et répertoire. Ainsi, prenant prétexte d’une photographie, André Breton est affublé d’un signe héraldique à dessein ironique : un simple fixe-chaussettes. Réda ne fait pourtant pas dans la caricature, même s’il emprunte avec un allant bonhomme des raccourcis saisissants mais sans, toutefois, jamais se départir de l’esprit de finesse qui le distingue. Cendrars renvoie alors, pour lui, à la « houle des sites », à l’« ombre des instants ». Mais, entre tous, c’est Jude Stéfan qu’il distingue en lui assignant un chiffre inégalable : l’« inceste » commis avec la poésie elle-même bien sûr. Ce qui fait en retour de Jude Stéfan le fils légitime des muses.

Cette mobilité insistante de Réda « rend le ton et le rythme de la vraie chanson, celle où passe impersonnellement le plus délicat de la voix d’un peuple ». Ce propos sied admirablement à Réda lui-même.