Le Soir, 26 mars 2008, par Dominique Legrand

Basquiat, roi des Zoulous

Penser à la vie. C’était la volonté de Jean-Michel Basquiat, peintre noir américain trouvé mort le 12 août 1988, sans doute d’une overdose, dans son loft de Great Jones Street. L’enfant de Brooklyn avait 27 ans. Il venait de former le projet de retourner en Côte d’Ivoire…

Le graffeur de SoHo a traversé les années 80 comme une météorite. Digressif, vagabond, fragmentaire, Jean-Jacques Salgon se place dans son sillage, attentif aux traces, aux moindres signes. L’auteur n’est en rien historien de l’art. Et tant mieux. Car au fil des pages, comme un jeu de piste, ce fils et petit-fils d’instituteur ardéchois, lui-même plutôt de veine scientifique IUT La Rochelle, reste fidèle au pouvoir suggestif et sauvage des premières empreintes. De galeries en expositions, de rêves en aventures, il emporte le lecteur aux origines de la peinture. Basquiat lui a ouvert des portes. Il nous invite au partage, sans forfanterie ni charabia académique. La quête existentielle ménage les digressions, ces pas de côté anodins mais tellement plus intéressants que les voies royales. Le parcours de Jean­-Michel Basquiat croise ainsi un souvenir, au carrefour de la rue des Archives, à Paris. Des choses si peu banales s’effeuillent devant une stèle de granit noir portant la simple inscription « Black », au cimetière de Green-Wood… Au-delà du mythe, cette promenade dans les tableaux, les dessins, le foisonnement précoce des croquis, le racisme, l’éblouissement et la mort forment un puzzle à l’image de l’impossible synthèse qu’est l’œuvre de Basquiat. Au terme d’une lutte acharnée avec la vie et les angoisses, on émerge de ce petit livre grisé d’un profond sentiment de fraternité pour l’artiste du chaos.