La Libre, 21 février 2014, par Camille de Marcilly

Antoine Wauters primé

Ravi et étonné, Antoine Wauters a reçu le Prix Première hier, à la Foire du Livre de Bruxelles, sur le site de Tour&Taxis. Doté de 5000 €, ce prix décerné par un jury d’auditeurs de la Première récompense l’auteur d’un premier roman francophone.

Né à Liège en 1981, Antoine Wauters a suivi des études de philosophie puis a enseigné. Aujourd’hui, il se consacre à l’écriture, notamment de scénarios pour le cinéma.

Son roman Nos mères (Verdier) retrace l’itinéraire d’un enfant, Jean, issu d’un pays du Proche-Orient chaud et poussiéreux jusqu’à l’Europe, froide et humide. Alors que le père vient d’être tué dans une guerre dont on n’aperçoit que quelques traces, la relation entre la mère désespérée et le fils se complique. Le mensonge, l’ambiguïté et l’incompréhension s’installent malgré l’amour : l’enfant est adopté. Dans ce nouveau pays où la nostalgie le rattrape parfois, Jean se reconstruit malgré une deuxième mère blessée par la vie, elle aussi.

Du côté de la vie

L’écriture musicale et poétique du romancier nous emmène en voyage, des guerres civiles aux douloureux conflits intérieurs. « J’ai besoin que l’écriture soit tonique, nous explique Antoine Wauters à la Foire du livre. Dans Nos mères, les thèmes sont plutôt lourds mais l’écriture forme un antidote. Je ne veux pas que la littérature soit quelque chose de plombant, elle doit éclairer et se trouver du côté de la vie. »

Le jeune romancier a déjà publié trois livres de « prose poétique » dont Césarine de nuit (Cheyne) remarqué par l’actrice Isabelle Nanty qui l’a lu à plusieurs reprises dans des théâtres. Avec Nos mères, il a choisi d’écrire sur la résilience. « Les enfants ont une grande capacité de traverser des choses dures en étant dans un brouillard complet. Parfois les adultes baissent un peu les bras, et c’est le cas des mamans dans ce livre, alors les enfants doivent faire preuve d’une grande force de caractère dans la vie. Ils sont pratiquement capables de porter leurs propres parents. C’est très difficile mais cette énergie vitale me touche. »

Amour-haine

Absentes, dépressives, fatiguées, incapables, le portrait des deux mères dessinées par Antoine Wauters ne ressemble en rien à une relation filiale harmonieuse malgré leur personnalité très différente. La première, solaire et expansive, étouffe son fils tandis que la mère adoptive, réservée, ne parvient pas à donner toute l’affection attendue par Jean.

« C’est un livre sur l’amour-haine. Parfois à cause de circonstances internes ou externes, des parents enferment leur enfant pour le protéger. Cette relation mère-fils compliquée et ambiguë me renverse. »

Le sentiment de culpabilité plane tout au long du roman, pour ces mères qui ne parviennent plus à s’occuper de leur fils et pour Jean qui se sent responsable de leur désarroi. « Les mères prennent parfois toute la place intérieure, ajoute Antoine Wauters. Le petit Jean a cette idée que quoi qu’il fasse, la mère est présente en toute situation, il y a une forme d’attachement très forte. »

Déchirement

Portrait de mères et d’un fils, Nos mères est aussi l’histoire d’un déracinement et d’un pays en guerre. « Au départ, je ne savais pas si j’allais placer l’intrigue au Liban puis j’ai voyagé là-bas et c’est devenu une évidence même s’il y a peu d’indices dans le roman. J’ai été touché par la frénésie qui y règne parce que le temps est compté. La guerre est du côté de la mort mais elle génère de la vie d’une certaine manière, avec des amours plus forts. C’est ce que je voulais raconter, l’envie terrible de vivre. »