Le Magazine littéraire, avril 2011, par Jean-Baptiste Harang

Olivier Rolin, kit de lectures

La dialectique peut-elle casser des briques ? Vider des brocs ? Allez savoir. Olivier Rolin prévient que, autant que Bric et broc, le titre « Fourbi » eût convenu, mais qu’il était déjà pris (par Alain Tanner ?). Oui, « Fourbi » était parfait, son côté barda, paquetage du soldat, convient à la première partie du livre qui réunit des textes de réflexion sur la pratique de l’écriture dont le premier, « Boîte à outils », aurait pu, lui aussi, étendre son titre à l’ensemble de l’ouvrage. « Fourbi » était parfait car il dit à la fois le désordre des choses et les métaux qu’on fourbit jusqu’à leur brillance extrême, comme on polit les mots pour que la langue sonne juste. Mais va pour Bric et broc, qui rend compte du bric-à-brac du recueil, bien que le fatras y soit plutôt bien organisé. Les six premiers textes, où Rolin demande qu’on lui pardonne le risque pris à l’enfoncement de portes ouvertes, sont des conférences, des causeries qu’il donna çà et là. Le souci d’être compris à l’oral cache parfois la grâce de l’écriture derrière l’intelligence de l’exposition. Si l’on considère que dire les choses qui vont sans dire, mais vont bien mieux en les disant, relève du franchissement de libres issues, profitez de votre élan et passez votre chemin. Si, au contraire, il vous sied qu’on rappelle que « tramer de la beauté avec les mots est proprement l’objet de la littérature », que le style « commence par un écart, une déviation par rapport à l’usage courant de la langue », que, certes, « l’intrigue est le complot ourdi par l’auteur afin de s’emparer de l’esprit du lecteur » mais que « la gravitation romanesque est la force qui pousse, non à tourner les pages pour connaître les surprises que ménage l’intrigue, mais au contraire à s’attarder sur certaines pages, à les relire sans pouvoir se délivrer de leur attraction », si cela vous convainc, vous entrerez de plain-pied, par ces portes ouvertes, dans la seconde partie où l’écrivain a réuni, inédits ou pas, sept exercices d’admirations littéraires absolument épatants.

Un texte à propos des photos que Doisneau fit de Cendrars : « Cendrars, c’est notre Hemingway, en plus vrai. » Un autre sur les photos de Rimbaud à Harar. Dans sa préface à une édition de La Peau de Malaparte, Olivier Rolin défend la place des descriptions dans le roman, puis le démontre en visitant la maison de Lowry à Vancouver, ce sont des choses vues, comme n’a pas dit Victor Hugo dans le pénultième hommage (« les textes forts suscitent parfois des réactions simples, les larmes, l’envie de se lever et de marcher »), avant de saluer sa nostalgie de lecteur en relisant L’Iliade. Dans son introduction, « À Verdier », Olivier Rolin évoque son ami Gérard Bobillier, dit « Bob », leur dernière rencontre avant que celui-ci ne meure, et cette demande de Bob de lui donner ce bouquet de bric et de broc pour le publier. Il termine cette première page ainsi : « Avec lui, il fallait être à la hauteur, c’est tout : et ils ne sont pas nombreux ceux qui vous obligent à vous élever. » Oui. Et vous en êtes un autre, monsieur Rolin.