Libération, 16 décembre 2010, par Claire Devarrieux

« Ce Séchard était un ancien compagnon pressier, que dans leur argot typographique les ouvriers chargés d’assembler les lettres appellent un Ours. » Illusions perdues, qui met en scène le fils Séchard et le futur écrivain Lucien de Rubempré, deux garçons d’Angoulême chargés de représenter chacun un aspect de l’auteur, est entièrement nourri de la passion de Balzac pour la chose imprimée. Éditeur avant de rembourser ses dettes en écrivant, imprimeur, et même fondeur de caractères, libraire, passionné par toute la chaîne du livre, par la modernisation de l’outil comme par la protection du texte et de l’auteur, Balzac ne conçoit pas la typographie sans la littérature, et réciproquement. La présente édition reproduit « Les deux poètes », la première partie d’Illusions perdues (et qui portait ce titre à l’origine). Balzac retravaillait considérablement son texte sur les « placards », puis sur les épreuves. Une fois le volume paru, il continuait à reporter des corrections dans son exemplaire personnel. On assiste ici au processus complet. Le plus surprenant est en fait la première étape : le manuscrit. Raturée sans excès, dotée d’une bonne marge, la page est saturée de haut en bas de lignes assurées, d’une écriture régulière, serrée, rapide. Voilà de la copie propre.