Lire, mars 1997, par Catherine Argand

La princesse sicilienne

« Elle te hachera menu, Francesco, si tu continues à faire semblant d’être gentil. Les femmes de notre famille doivent rester seules avec leurs enfants. Je les ai mal élevées, comme toutes les mères, je leur ai appris à faire des enfants, à les aimer plus que tout au monde, à jouer aux cartes dès que possible, à faire des fêtes, à rester entre femmes, à se disputer, à se languir en attendant l’amour, à mépriser l’homme qui les aime, à n’aimer que celui qui les méprise. Nous avons perdu notre maison, notre honneur, nous ne trouvons pas la paix. » Ainsi parlait l’arrière-grand-mère de Cristina Comencini, princesse napolitaine dépouillée de ses trésors par les créanciers, à son gendre Francesco quelques instants avant sa mort.

Un gendre qui, comme tous les hommes liés à cette dynastie de femmes où les fils sont rares et les filles forcément blondes, dut affronter le tempérament insatiable et rebelle de sa belle. « Pendant des générations dans la famille, on aima la passion amoureuse la plus lointaine et la plus inaccessible. »

Orgueilleuses, douloureuses et frondeuses, les deux filles, dix petites-filles et cinquante arrière-petites-filles engendrées par la princesse mère héritent du même goût pour le jeu et les amours malheureuses. Chacune à sa manière, silencieuse ou flamboyante, inventive ou formelle, reprend à son compte le viatique familial : rester ensemble, jouer au poker, se sacrifier pour des hommes volages et engendrer des… petites blondes.

Des mammas napolitaines, on connaissait surtout la version populaire incarnée par Sophia Loren. Dans ce deuxième roman publié en France et qui reprend autrement le thème de la filiation, Cristina Comencini renouvelle la veine avec un sens inné et très subtil de la comédie italienne.