Techniques et architecture, par Didier Laroque

Dans le fil du célèbre texte de Panofsky concevant à la fin des années vingt la perspective comme une « forme symbolique », Argan et Wittkower publièrent en 1946 et 1953 les deux articles discursifs que recueille ce petit livre. Sa lecture peut être recommandée, elle procure une appréciable compréhension de la Renaissance et engendre le mouvement de se questionner en profondeur. Si l’on prétend savoir combien l’invention de la perspective sépare les temps modernes de ce qui a précédé, l’on ignore généralement beaucoup de quelle façon l’art put montrer par elle sa capacité libérale, et l’homme tout humain se reconnaître une situation. Confrontant la théorie d’Alberti aux architectures de Brunelleschi, Argan étudie comment dessin, proportion et harmonie produisent l’espace. La chapelle des Pazzi consiste ainsi en un ensemble de lignes et de plans coordonnés qui définit et maîtrise un lieu par sa délimitation ; autrement dit, l’espace n’est pas « répété par l’œuvre, mais [ce] que l’œuvre d’art elle-même dispose et réalise ». Tandis que l’infini se déployait dans l’art médiéval, tandis qu’il n’appartenait au visible que d’être le signe de l’invisible, le linéament humaniste rend l’immatériel tangible. Argan affirme que la perspective « n’est pas seulement une théorie mais l’essence de l’architecture de Brunelleschi ». Wittkower prolonge cette idée, pour lui, « l’architecture de cette période […] détermine une situation psychologique dans laquelle la proportion et la perspective deviennent compatibles, […] aboutissement d’une conception métrique et harmonique de l’espace ». Marisa Dalai Emiliani clôt l’ouvrage par un utile inventaire de la recherche des années 1960 à 1968 sur cette matière. — La perspective cessera-t-elle jamais d’être un objet de débat ? Bien qu’elle ait suscité beaucoup d’écrits, sa dimension principale semble rester inaperçue, autant que la condition moderne demeure douteuse ; l’ancien monde n’est plus admis sans que l’on sache sûrement l’avoir remplacé.