Livres hebdo, 29 février 2008, par Jean-Maurice de Montremy

Mongolie sur Drôme

Breakdown: l’effondrement, la depression. Tel est le nom qu’un photographe américain donne au Domaine qu’il crée sur un causse dans la moyenne montagne de la Drôme et des Alpes. Deux hectares de chaos granitique puis une vaste étendue où Bolan pense avoir réinventé la Mongolie. Il est riche des droits qu’il perçoit pour une photo‑icône sans cesse reprise dans le monde entier, « un nu à la Man Ray ». Seul avec deux autres gaillards, il élève près d’un millier de chevaux, éduquant à sa façon Kate, sa fille unique, dont la mère fut le modèle de la photo. Kate partage son amour des chevaux, de la Mongolie et de la photographie.

Le bref récit de Tonino Devienne (né en 1971), son premier livre publié, est un conte moderne. Au superbe paysage du Domaine de Breakdown répond une belle évocation de l’Altaï et du désert de Gobi. C’est là‑bas que le jeune Bolan, autrefois, découvrit les petits chevaux rouges – souvenirs qu’il s’efforce de faire revivre sur son causse. Jusqu’au jour où Kate tente à son tour l’aventure, refaisant en Asie le voyage de son père, tandis que celui‑ci se débat avec ses dettes et les projets d’un promoteur qui verrait bien le Domaine devenir parc d’attractions…

L’ « obstination merveilleuse » de Bolan et la fantaisie rebelle de Kate sont ponctuées par l’effondrement des années 1980 (celles de Bolan) et l’inquiète légèreté des années 2000 (celles de Kate). De Tonino Devienne, l’éditeur dit seulement qu’il « vit au Japon ». Son ton, bien maîtrisé, joue d’une mélancolie cocasse. A quoi s’ajoutent le mystère, la poésie et l’art de ne pas insister.