Le Monde des livres, 22 novembre 2013, par Philippe-Jean Catinchi

La passion en abyme

Couronné par le prix Strega pour Resistere non serve a niente (Rizzoli, 2012), Walter Siti bénéficie une nouvelle fois, en France, après Leçons de nu (Verdier, 2012), du concours d’une traductrice exceptionnelle. Avec l’aide du poète et philosophe Martin Rueff, qui restitue les poèmes scandant la narration, Martine Segonds-Bauer rend compte d’un dispositif vertigineux : il met en scène Walter, qui rêve d’écrire la relation exemplaire de dix-huit mois d’amour avec Mimmo, et voit son manuscrit refusé. Dévasté, il le reprend, l’annote, le commente, revisite sa passion jusqu’à la douleur, pour clore l’histoire et réussir le roman de ces Réparations d’amour. Jeux de typographie et inserts lyriques rythment l’écriture, d’un cynisme cru, qui joue de l’obscène. Le pendule qui oscille entre idéalisme sentimental naïf et cruel dévoilement de pulsions contradictoires, peut déconcerter, mais le défi littéraire est relevé avec virtuosité. Une mise en abyme romanesque à haut risque.