La Marseillaise, 8 février 2004, par Claudine Galéa

Michèle Desbordes se penche, avec La Robe bleue, sur la fin de la vie de Camille Claudel, sœur de Paul, sculptrice de génie, enfermée trente ans dans un asile.

Paul, mon petit Paul étaient les mots que Camille Claudel aimait à répéter à son jeune frère, devenu le poète et l’écrivain que l’on sait. Devenu aussi le consul, l’ambassadeur, le voyageur, et le tourmenté de Dieu que l’on sait. Devenu, enfin, le grand absent dans l’affaire Camille Claudel, qu’on commence à connaître depuis les livres de Reine-Marie Paris et Anne Delbée, et qui constitue aujourd’hui la trame du livre de Michèle Desbordes, La Robe bleue.

Dans l’asile de Montdevergues, près d’Avignon, Camille passa trente ans à attendre. Sa libération, et les visites de son frère.

L’ex-égérie de Rodin, l’immense sculptrice des Causeuses ou de La Valse, œuvres qu’on peut admirer au musée Rodin, – il l’aura « possédée », même dans la reconnaissance du génie –, a cessé de modeler la glaise et de travailler le marbre, enfermée par sa mère, dès lors que son père – son unique protecteur – fût mort. Enfermée par sa mère, avec l’assentiment muet de son frère, Paul.

Michèle Desbordes reprend ce savoir et le fait tourner sans fin, comme une ronde obsessionnelle. La première partie reprend, en les enroulant dans des phrases au souffle long, les épisodes principaux de la vie de Camille. La seconde invente une dernière promenade avec Paul au bord de la mer en 1936, sept ans avant sa mort, pour laquelle elle aurait revêtu une robe bleue qui donne son titre au livre.

On ne peut que rêver autour de la vie, et de la folie de Camille Claudel. On ne peut qu’imaginer ce que furent trente ans d’asile entre la première et la seconde guerre mondiale, le silence et la souffrance, la fin de la création chez une artiste magnifique.

C’est ce que fait l’écrivain, usant de son style ample, riche, à la respiration régulière, à la syntaxe choisie, qui fit le succès de La Demande, notamment.

On ne sera pas surpris par la beauté des pages, mais on peut se demander si trop d’élégance et de magnificence n’enlèvent pas à l’âpreté et à la violence de ce « génie féminin », que rien ne saurait apprivoiser.