Livres hebdo, 10 décembre 2004, par Jean-Maurice de Montremy

Ma cabane au Yoknapatawpha

Michèle Desbordes a grandi au pays de Faulkner, dans un comté imaginaire. Un été de glycine invente l’autofiction d’une fiction.

Un été de glycine n’est pas un essai sur Faulkner, ni l’évocation de certains souvenirs – anciens – qui ont marqué Michèle Desbordes (prix France-Télévisions 1999 pour La Demande). C’est un roman comme s’en racontent les lecteurs épris d’un univers romanesque et d’un auteur, au point d’en faire – les années passant – une histoire personnelle, avec ses lieux, ses images, ses personnages et ses propres secrets, écrits entre les lignes d’autrui.

Michèle Desbordes n’a guère plus de vingt ans lorsqu’elle commence Les Palmiers sauvages et lorsqu’elle découvre le comté de Yoknapatawpha dans lequel Faulkner transposa le comté d’Oxford et son Mississippi natal. Son imagination s’y est installée, mais aussi les amours, les joies et les épreuves. Une manière de voir le monde.

C’est l’image, chère à Faulkner, d’une petite fille qui grimpe aux arbres pour regarder ce qu’on ne peut pas voir. C’est l’amour toujours impossible. C’est la vision des paumés du Sud et, surtout, de cette jeune fille enceinte errant sur les routes à la recherche de l’homme qui l’abandonna – vision qui rappelle à la narratrice sa mère enceinte jetée dans l’exode, l’été 1940, du côté d’Orléans, aux bords de la Loire, puis sa mère la trimbalant de nouveau une nuit glaciale de février 1944. Et puis encore son départ sans retour pour une mort en couches.

Michèle Desbordes raconte maintenant l’œuvre, l’amour et la vie de Faulkner superbement – tout comme elle raconte aussi ce qui s’est très tôt joué en elle par cette lecture. Pour une fois, le mot « autofiction » conviendrait une autofiction née de la familiarité avec une fiction – celle de Faulkner. Fiction qui était aussi pour l’Américain le moyen de vivre autrement sa réalité.

Tout est donc recréé par une écriture magnifique, puissante et simple dans ses vastes périodes, à la recherche de la lumière d’août et de l’odeur des glycines. LeYoknapatawpha retrouvé.