Le Dauphiné libéré, 2 juin 2014, par Gilbert Jean

Un chant d’amour pour une ville chaotique

Journaliste globe­trotter, elle avait traversé Beyrouth, Jérusalem et aussi le Rwanda. C’est pourtant Calcutta qui a exercé sur elle, devenue romancière, toute la fascination contenue dans Indian Song de Marguerite Duras. Dominique Sigaud est allée dans cette gigantesque et chaotique métropole indienne, « s’asseoir comme eux, sur une marche au bord du Gange et attendre… ».

Résolument engagée, elle avait, d’entrée, dénoncé La Fracture algérienne. Dominique Sigaud vient de rappeler la monstruosité, nuit et brouillard concentrationnaire, dans Franz Stangl et moi en accompagnant le dernier jour du commandant de Treblinka. La voici qui, dans son dernier roman, tisse un long poème dédié à Calcutta, ses palais, ses colonnades, ses jardins, ses fontaines ses autels et ses fleurs et, au cours de sa résidence indienne, finit par se sentir, comme elle et ses palais, « à l’abandon ».

Dans le sillage de Marguerite Duras

Volontaire saccadée, par accumulation parfois, la syntaxe bousculée de Dominique Sigaud sied à cette ville énorme de bruits, d’odeurs et d’injustice qui est pourtant, pour elle, source de paix en dépit du choc reçu et de la violence constatée. Calcutta est chaos à l’image du fleuve qu’elle borde : le Gange, fleuve sacré et… poubelle. À la manière de Duras, c’est pour Calcutta que l’écrivain a composé une partition qui se révèle littéraire et musicale.
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