Le Magazine littéraire, 1er mars 2015, par Pierre Assouline

Normalien et agrégé, spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance italienne, Patrick Boucheron (né en 1965) se distingue par son souci constant de renouveler l’écriture de l’histoire, en en donnant une vision globale. La magnifique Histoire du monde au xve siècle (Fayard, 2009), dont il fut maître d’œuvre, cherchant à « désoccidentaliser notre regard, en fait bien plus qu’un ambassadeur en France de la « world history » et témoigne qu’il en a largement anticipé la mode. Il se plaît aussi à bousculer la périodisation, comme dans L’Entretemps (Verdier, 2012), où il démonte l’artifice des découpages chronologiques et invite à rompre la continuité magique des temps. Son récent séminaire à Paris-I, où il est professeur depuis 2012, abordait ainsi de front l’hypothèse d’une consistance historique de la période médiévale, à la condition de l’organiser autour d’un nouvel axe au tournant des xiie et xiiie siècles. Il illustre aussi, dans Conjurer la peur (Seuil, 2013), qu’être médiéviste peut représenter une autre façon d’être contemporanéiste, en s’employant à comprendre la « puissance d’actualisation » de la « fresque du Bon Gouvernement » peinte par Lorenzetti en 1338 sur les murs du palais communal de Sienne. Il ne faudrait pas non plus oublier l’écrivain, de la classe d’un Michelet et d’un Duby, dont les talents éclatent dans son récit de microhistoire de la conversation oubliée entre Léonard et Machiavel (Verdier, 2008). Il joue enfin un rôle éditorial important en tant que directeur des publications de la Sorbonne et conseiller au Seuil pour la collection « L’Univers historique ».