Le Monde des livres, 25 août 2016, par Xavier Houssin

Voix du silence

Les nuages dans le ciel figurent des chimères, des cygnes blancs, des profils de sorcières et de doux visages de jeunes filles. Puis le vent les disperse. Les détricote et les rend semblables aux brins de laine échappés de l’ouvrage d’Evguenia, ces petites pelotes informes. Evguenia, la grand-mère, la « Babou », de Grichka, l’adolescent mutique qui se perd parce qu’il ne fait que marcher à l’intérieur de lui-même. Un pas à l’endroit puis un pas à l’envers. Après L’Envoleuse où elle explorait les fragilités cruelles de l’enfance, Laure des Accords publie un deuxième roman où résonnent les échos de lointaines douleurs, d’histoires de famille, d’origines mêlées. Grichka est un roman polyphonique sur les destins, les épreuves, l’obstination à vivre. Un roman du difficile apprentissage du grandir, du devenir. Qu’y a-t-il de commun entre un film sur une déportée juive, résistante, qui ­témoignera en 1987 au procès de Klaus Barbie, et un poème de Desnos ou un autre d’Henri Kréa ? Dans son lycée du Havre, à 17 ans, Grichka Vyssotski découvre le théâtre, les mots à apprendre, ceux qu’on peut prononcer. Et les raisons d’aimer.