Le Monde des livres, 21 septembre 2017, par Julie Clarini

Considérer les migrants

Toute vie est « égale », c’est une évidence avec laquelle nous croyons vivre. Et pourtant « tout se passe comme si nous recevions certaines vies comme des vies qui ne seraient au fond pas tout à fait vivantes ». Affligeant constat, difficile et furieusement honnête. Il court d’ailleurs dans le texte de Marielle Macé, écrit en mars en vue d’une conférence, une forme de fureur contenue, ou de douceur courroucée, qui prend sa source dans la révolte que suscite le sort réservé à ceux qu’on nomme « les migrants ». Aidée par les rapprochements, les courts-circuits de l’histoire et de la géographie, la spécialiste de littérature se prend à méditer ce voisinage entre eux et nous, ce côtoiement qui n’en est pas un véritable, au sein de l’espace urbain. Que voudrait dire, qu’impliquerait pour chacun d’entre nous, le passage de la « sidération » qui nous emprisonne dans l’émotion, comme elle le montre très bien, à la « considération » ? « “Considérer”, ce serait au contraire aller y voir, tenir compte des vivants, de leurs vies effectives » – et pourquoi pas leur demander comment eux aussi se débattent avec la vie.