Roman. Traduit par Dominique Blanc

Collection : Otra memoria

288 pages

16,23 €

978-2-86432-343-3

février 2003

Dessinateur menacé de chômage, propriétaire d’un appartement qu’il a du mal à payer, mari d’une femme qui a perdu toute confiance en lui, Andrés Vigil est un homme ordinaire à qui il ne reste plus qu’une seule passion : le violoncelle sur lequel il tente désespérément de jouer une suite de Bach. Sa vie bascule le jour où il se rend discrètement chez le prêteur qui lui a consenti une avance pour l’achat de son instrument. Témoin malgré lui d’un règlement de compte qui se solde par le supplice de l’usurier, il comprend vite que non seulement sa dette n’est pas effacée mais qu’elle a changé de nature quand il constate avec effroi que l’assassin du prêteur s’est installé dans l’appartement au-dessus du sien.
Godoy, l’inconnu à la logique implacable et à la mémoire prodigieuse qui fait métier de la correction des défauts de ses contemporains, au besoin en les éliminant, va emprisonner Andrés Vigil dans une spirale, celle de la dette sans fin que l’on doit payer à la soumission volontaire, à l’admiration aveugle, à un usage de la justice et de la raison qui conduit à la folie.

Godoy serra légèrement les lèvres et les clous oscillèrent dans sa bouche. Aussitôt après, il en saisit un et chercha un point précis sur la main de Suquía. On pouvait percevoir la trépidation des talons du prêteur sur le parquet. Sur sa chemise, des taches de sueur apparurent. Andrés ressentit l’envie de se lever mais il n’en eut pas le temps. Le coup de marteau fut sec et le clou s’enfonça jusqu’à la tête dans la main de l’usurier.
Pendant un instant, le silence se fit. Il y avait un hurlement contenu dans l’expression du visage de Suquía. Finalement, il émit un sifflement étouffé et resta quelques secondes la bouche et les yeux ouverts, haletant comme s’il avait une crise d’asthme. Malgré tout il ne retira pas sa main gauche qui tremblait tandis qu’une goutte rouge commençait à sourdre de l’autre main, immobile tout à coup.
Godoy déposa le marteau sur la table. Il ne semblait ni pressé ni inquiet.
Andrés, tremblant, fit un effort pour détacher son regard de lui. Il se leva, prêt à quitter le bureau.
— Désolé, dit-il tout en s’apercevant que sa voix l’abandonnait. Il se fait tard pour moi.
— Il n’est pas nécessaire que vous partiez, lui dit Godoy les yeux fermés. Asseyez-vous, je vous en prie.
— Il est tard, répéta machinalement Andrés, je dois m’en aller.
— Je vous prie de vous asseoir, insista doucement Godoy. Il est nécessaire que vous restiez là. Je veux que vous soyez témoin de ce litige.

Revista de Libros, mars 1999, par Santos Sanz Villanueva (trad. Dominique Blanc)

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