Raffaele Nigro

Les feux du Basento

Roman. Traduit par Jean-Claude Zancarini

Collection : Terra d’altri

276 pages

19,27 €

978-2-86432-093-7

septembre 1989

Au centre de cette chronique mêlée d’épopée, qui trouve sa place parmi les plus beaux livres du Mezzogiorno (ceux de De Roberto, Lampedusa, Carlo Levi, Sciascia…) se déploie, de 1784 à 1861, le rêve d’une république paysanne dans cet « autre » Sud, moins souvent évoqué que la Sicile ou Naples, que sont Pouilles, Calabre et Basilicate. Révolutions, guerres, épidémies mais aussi apparitions surnaturelles rythment ce récit choral où quatre générations d’une famille de manouvriers croisent des personnages historiques comme Murat, Tommaso Bindi ou Garibaldi…

Couronné en 1987 par le prix Campiello, un des principaux prix littéraires italiens, Les Feux du Basento a connu un succès critique et public exceptionnel. Il marque aussi, par son écriture sceptique extrêmement contrôlée, une évolution importante de la littérature méridionale, du discours utopique à un nécessaire pragmatisme.

En 1784 Angiolello Del Duca prit un bain mémorable. Ses compagnons tournaient le dos à l’Ofanto, en rang le long des deux rives, leurs arquebuses pointées. Angiolello nageait au milieu des truites, puis il se mettait debout, sur les galets, là où le fleuve n’était plus qu’un filet d’eau. Sa silhouette gigantesque apparaissait et disparaissait à travers les aiguilles des pins maritimes, le soleil était bien haut, accroché aux chênes verts et aux grisards. Il y avait eu bataille, cette nuit-là, dans les gorges de Bovino, avec la bande de Costanzo Manicuncino, un bandit qui avait pris le maquis par désir de l’argent facile et parce qu’il voulait jouir de la vie. Il razziait les cabanes des paysans, des Alburni à l’Apennin pouilleux, et les fermes des riches. « Manicuncino », lui cria Angiolello, du haut d’une de ces gorges, les mains en porte-voix, « je n’aime pas ce que tu fais, reprends-toi et ne tire qu’à raison ou je te fais la peau. » Pour toute réponse, il reçut un coup d’arquebuse qui parcourut le vallon de Bovino. Et Angiolello, à contre-cœur, ordonna l’attaque. Ils combattirent à l’arme blanche jusqu’au coucher de la lune. On lui apporta les oreilles et les mains de Manicuncino dans un chapeau orné de plumes de coq de bruyère. « Je n’aime pas cette odeur du sang de nos frères brigands, dit Angiolello. Je veux vraiment prendre un bain. »

Prix Campiello, 1987

La Quinzaine littéraire, 16-30 novembre 1989, par Maurice Darmon

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