Traduit de l’espagnol par Georges Franck. Préface de Jacques Durand

Collection : Faenas

64 pages

9,13 €

978-2-86432-211-5

décembre 1994

Héritier de Manolete, gloire des arènes et de la presse du cœur, Luis Miguel Dominguín incarne, dans ses excès et ses silences, l’Espagne triomphante et meurtrie de l’après-guerre.

Le pays sort alors d’un long déchirement, les exilés soupçonnent ceux qui sont restés, qui se méfient des consciences absentes.

L’amitié entre Luis Miguel Dominguín, héros officiel de la nouvelle Espagne, et Pablo Picasso, guetteur lumineux, naîtra dans cette vigilance. Elle n’en sera que plus aiguë, plus forte et exigeante.

Ce texte, écrit par Luis Miguel en 1960 pour Pablo, en est le plus beau fruit. Le torero s’y fait écrivain et philosophe, et livre sur la création artistique, sur l’art tauromachique et sur les sentiments humains une faena poétique et droite, une tauromachie idéale, comme celle qu’il rechercha, d’arène en arène, tout au long de sa vie de torero.

Pablo est un homme très complexe, comme tout ce qui est simple, comme tout ce qui est réel ; insaisissable ; aux réactions imprévisibles qui, cependant j’en suis sûr, sont celles d’un être humain, au sens noble du terme.

Hier, Pablo m’a téléphoné de Cannes. Il y a quelque temps, il voulait, m’avait-il dit, que j’écrive quelque chose pour un de ses livres tout près d’être publié. Je m’entretins avec lui de cette question. Mais, comme la première fois, il me fut impossible de savoir le sujet du livre, ni d’ailleurs ce qu’il voulait de moi. Je lui demandai s’il s’agissait d’un prologue ou d’un commentaire, s’il me fallait parler de peinture, de taureaux ou de l’étoile polaire. Il me répondit que n’importe lequel de ces thèmes ferait l’affaire ; de rédiger une préface ou un texte et d’écrire un moment jusqu’à ce que je me fatigue ; ce que je ferais serait bien fait. À mon avis, Pablo sait que je ne sais écrire ni une préface ni un texte et que j’ignore peut-être la différence entre l’un et l’autre.

« Tu vas le faire. C’est sûr ? Sinon, dis-le-moi. Parce que le livre est prêt et nous n’attendons plus que cela.

— D’accord, lui répondis-je.

— Bien, alors, envoie-le-moi tout de suite. Ce soir peut-être ? »

J’insistai :

« Pablo, je ne connais rien à la peinture, je ne sais pas écrire, mais j’aimerais au moins voir le livre pour me faire une idée.

— Aucun rapport, me répondit-il. Le livre, c’est sur les trucs que je fais ; toi, tout ce que tu as à faire, c’est écrire… »

Vous comprendrez qu’avec de tels raisonnements, il m’a fallu renoncer à savoir ce que Pablo voulait de moi, et descendre dans une arène qui m’était inconnue.