Terra d’altri

Collection dirigée par Martin Rueff
fondée par Philippe Renard et Bernard Simeone

La collection « Terra d’altri » a été créée en 1987 par Philippe Renard et Bernard Simeone. Son programme tient dans son titre en langue originale inspiré du roman majeur de Silvio D’Arzo (Casa d’altri) –  non pas terre des autres, mais terra d’altri. Territoire d’Italie et arrière-pays, mais qu’on approche par son altérité prochaine tendue, non comme un miroir où projeter ses rêves d’exotisme, mais comme une main à saisir par-dessus l’abîme.
Le poète Francesco Nappo est l’auteur de ce distique :
         La patria sarà quando / tutti saremo stranieri.
         La patrie ce sera quand  / nous serons tous étrangers.
Terra d’altri, terre d’autrui, à la condition qu’on y reconnaisse aussi l’étrangeté des Italiens (à) eux-mêmes. Émouvante étrangeté. À l’heure où il convient de penser l’attachement contre l’enracinement, l’Italie nous offre ses propres arrachements en langues et en livres.
Hormis la langue, ce qui rassemble les auteurs de « Terra d’altri », c’est ce rapport inquiet et inquiétant à la langue d’une communauté à un moment de son histoire. Appelons ce rapport un style ou plutôt appelons style l’inquiétude en langue de ce rapport à la communauté. Pour défendre cette Italie, une attention particulière est portée à la traduction comme à la philologie, discipline maîtresse, on s’en souviendra.
Contrebandière, « Terra d’altri » amena à la connaissance du français les grands poètes de la « troisième génération » du lyrisme italien du vingtième siècle : Attilio Bertolucci, Giorgio Caproni, Mario Luzi et Vittorio Sereni. Mais elle n’a pas méconnu le roman et a défendu l’essai. Et si la collection privilégie la modernité et le texte contemporain (et sinon quoi ?), elle s’ouvre aussi à ces classiques méconnus dont l’inquiétude est encore devant nous.
Ce rapport à l’histoire, au patrimoine culturel et à sa transmission, cette intimité avec les forces du passé (Pasolini), cette ironie qui se juche sur les épaules des géants : ce fut, longtemps, la séduction italienne. Qu’est-elle devenue quand des formes du présent interdisent un rapport vrai à ce qu’il y a maintenant comme à ce qu’il y eut jadis ? La terra d’altri ne serait plus péninsule, ou presqu’île mais île indécise – cette île qui n’est jamais une île (Ginzburg) et qui choisit ses ports d’attache.

Le ministère de la Culture italien a décerné à la collection « Terra d’altri » le prix national de traduction en 1990.

Comédie du livre, Montpellier, dimanche 29 mai 2016

Présentation de la collection en compagnie de Walter Siti, Antonio Moresco, Martin Rueff et Laurent Lombard (rencontre animée par Dominique Aussenac, lectures de Fabienne Bargelli)

 

En Verdier/poche