Rainer Maria Rilke

Chant éloigné

Poèmes. Édition bilingue. Traduit de l’allemand et présenté par Jean-Yves Masson

Collection : Verdier/poche

96 pages

4,87 €

978-2-86432-494-2

février 2007

(collection d'origine : Der Doppelgänger)

Si Rainer Maria Rilke a toujours été tenté de penser à la musique en des termes architecturaux, comme on le découvrira en effet à la lecture des poèmes rassemblés dans le présent volume et tous inédits jusqu’ici en français, il faudrait se demander si, fidèle à la doctrine baudelairienne – et, plus largement, romantique – de la correspondance des arts, il n’a pas souvent abordé la sculpture et l’architecture en termes musicaux. C’est en tout cas cette correspondance entre le son et l’espace qui mène, fil rouge à travers toute son œuvre, jusqu’à l’arbre emblématique dressé dès le premier vers des Sonnets à Orphée, et qui emplit l’oreille, tandis que chante le bâtisseur de temples sonores.

Les poèmes rassemblés dans ce livre, sont autant de jalons jusqu’ici méconnus qui permettent au lecteur de parcourir le chemin suivi par Rilke, faisant la part d’une certaine défiance qui ne le quitta peut-être jamais tout à fait envers la séduction sensuelle de la musique, mais parvenant pour finir à une conception exceptionnellement élevée et étonnamment moderne de cet art.

Étourdis-moi, Musique, de ta rage rythmique !
Haute réprobation impénétrablement dressée devant mon cœur
pour n’avoir point ressenti un tel déferlement et s’être ménagé.
Ô mon cœur,  :
vois ta propre splendeur. Ne te contentes-tu pas presque toujours
d’un élan moindre ? Mais les voûtes attendent,
les plus hautes, que tu les emplisses de l’afflux de tes orgues.
Qu’as-tu à te languir du visage d’une bien-aimée étrangère ?
Manque-t-il à ta nostalgie le souffle issu de la trompette de l’ange
qui inaugure le Jugement dernier, pour déclencher des orages
sonores :
oh, c’est donc qu’elle non plus n’est pas, nulle part, et ne naîtra
jamais,
celle dont la privation te dessèche…