Miguel Delibes

L’étoffe d’un héros

Roman. Traduit par Dominique Blanc

Collection : Otra memoria

384 pages

20,08 €

978-2-86432-362-4

septembre 2002

L’Étoffe d’un héros n’est pas un livre sur la guerre civile mais le roman de quelques êtres qui, entre enfance et adolescence, se trouvent aspirés dans l’œil du tourbillon sanglant qui a transformé pour longtemps l’histoire de l’Espagne en tragédie. Né dans une famille chaleureuse et étriquée de la petite bourgeoisie traditionaliste, Gervasio se croit promis très jeune à un destin héroïque qu’un prodige a révélé : son émotion est si intense quand il entend une musique militaire que tout son corps frissonne et ses cheveux se dressent sur sa tête. Un oncle, vétéran des guerres carlistes, s’emploie à cultiver cette disposition merveilleuse contre l’avis du père de l’enfant, un médecin naturiste et libertaire, le mouton noir de la tribu. Invité à endosser le rôle d’un futur héros, Gervasio s’éloigne des siens pour s’inventer avec ses camarades adolescents un destin guerrier que l’épisode tragique du soulèvement franquiste va mettre à l’épreuve des faits.

La dure réalité va ébranler peu à peu les arrogantes certitudes forgées au cours de cette « enfance d’un chef ». Il faudra affronter, au-delà des combats, les terribles récits interchangeables de croyants crucifiés par des « rouges » et des rouges martyrisés par des « croisés ». Qui est un héros ? La vraie tragédie naît du brouillage de la frontière entre héroïsme et trahison ici exposé de main de maître par un Delibes dont on sait qu’il s’est lui-même engagé à dix-huit ans avant de consacrer sa vie à exorciser la tragédie en écrivant contre la bêtise totalitaire, pour la tolérance et les valeurs défendues humblement mais fermement par des êtres qui sont d’une autre étoffe que les prétendus héros.

Une fois que l’enfant Gervasio García de la Lastra éprouva ces étranges phénomènes, que les membres les plus pieux de la famille attribuèrent à des causes surnaturelles et les autres, plus sceptiques, à de purs phénomènes physiques opérant sur une sensibilité délicate, ce fut, comme il ressort des journaux du colonel de cavalerie aujourd’hui disparu don Felipe Neri Luna (1881-1953), au cours de la veillée familiale du samedi 11 février 1927, bien que – c’est ce qui apparaît dans ces mêmes cahiers, trois jours avant – certains indices se soient déjà manifestés lorsque le petit, faisant irruption comme un ouragan dans le cabinet de son grand-père maternel don León de la Lastra alors qu’il déjeunait de son habituel chocolat et biscottes, lui avait demandé à brûle-pourpoint :
— Papa León, je peux être un héros sans mourir ?