Collection : Faenas

192 pages

15,22 €

Tirage de tête : 31 €

978-2-86432-393-8

août 2003

Au quinzième siècle, un berger andalou découvre, au sud du Sud, dans les marais du Guadalquivir, une statue de vierge au charme indécis.

Depuis, chaque mercredi qui précède la Pentecôte, des milliers d’hommes et de femmes en costume andalou et robe de gitane, partent de Séville et de chaque ville ou village alentour pour huit jours de marche et de fête, au milieu des chevaux, des bœufs, des calèches, des chars et des camions. Mélange bruyant et poussiéreux de religiosité minutieuse et de paganisme éclatant. Tout le long du chemin : chants et danses. C’est le Rocío, un des pèlerinages les plus fous de la planète.

« Huit jours par an, le Rocío change les Andalous en bohémiens – ils ont le reste de l’année pour les haïr –, le sable en or, le conformisme en délire, le rire en vertige, la parole en chanson, les chansons en chant profond, le chant profond en cante jondo, la respiration en désir. »

Francis Marmande a suivi, au milieu des marcheurs de Triana, l’ancien quartier gitan de Séville, les chemins vers cette vierge de la rosée qui attend ses amants déchaînés dans un église blanche posée sur les sables du delta. C’est le roman précis de cette extravagante, drôle et fascinante aventure qu’il nous donne à lire : une expérience unique, une méditation sur le sort des peuples, les mystères de l’Andalousie profonde.

Almonte a beau trouver le succès de Triana déplacé, ce succès est là, imposant, indiscutable. Parfaitement déplacé, c’est vrai, mais sans plus. Comme tout le reste au Rocío.
Le Rocío est l’histoire de ses déplacements.
Instant d’émotion crue. J’embrasse tout sans comprendre. On célèbre quoi, au juste ? Peut-être simplement la pure joie d’exister, ou de savoir parler aux bêtes et aux images. Quelque chose également par où le sexe, les sens, les pores, la peau toute, sont sollicités. Mais quoi ? Une joie d’insecte, une joie de cigale. Entre deux recettes pour les préparer culinairement, et une leçon pour les faire taire, Jean-Henri Fabre dans ses Souvenirs entomologiques, s’interroge sur l’incitation qui pousse les cigales plébéiennes à chanter. Les effusions retentissantes de l’amour ? Allons donc : « Consultez l’immense majorité, que le rapprochement des sexes laisse silencieux. » Non : dans le violon de la Sauterelle comme dans les cymbales du Cacan, au terme d’une vie d’observation, il ne voit que ce désir de « témoigner la joie de vivre, l’universelle joie que chaque espèce animale célèbre à sa manière ». À quoi il ajoute, c’est là une intuition précieuse, de celles qui remuent à elles seules l’esprit et l’envie de savoir : « Si l’on m’affirmait que les Cigales mettent en branle leur bruyant appareil sans nul souci du son produit, pour le seul plaisir de se sentir vivre, de même que nous nous frottons les mains en un moment de satisfaction, je n’en serais pas autrement scandalisé. Qu’il y ait en outre, dans leur concert, un but secondaire où le sexe muet est intéressé, c’est fort possible, fort naturel, sans être encore démontré. »
Le sexe muet.
En outre.
On comprend mieux qu’il se soit trouvé un inspecteur pour interdire ses cours devant les jeunes filles de l’École normale d’Avignon.

Prix Feria, 2015