Giuseppe Dessì

San Silvano

Roman. Traduit par Gilberto Rossa avec la collaboration de Bernard Simeone. Postface d’Anna Dolfi

Collection : Terra d’altri

192 pages

14,70 €

978-2-86432-073-9

septembre 1988

Peut-on accéder à sa propre liberté sans sacrifier une part, voire l’essentiel, d’un être aimé ? À quelle profondeur la fidélité au passé devient-elle non plus force mais piège ? Où se situe la frontière entre avancée et régression sur la voie difficile de la maturité ? Peu à peu, ces questions gagnent le lecteur de San Silvano, roman où la réalité insulaire de la Sardaigne des années trente rejoint, sous le double signe de Leibniz et de Rilke, le grand idéalisme européen. À travers le narrateur, son frère Giulio et Elisa, la sœur trop aimée, dernier lien vivant avec leur mère, s’affrontent une fois encore l’intelligence, parfois cruelle mais toujours lumineuse, et le clair-obscur des sentiments, dans une recherche où joie et deuil, évidence du monde et intuitions de la mémoire sont indissolublement liés.

Depuis que notre maison de San Silvano, après le mariage de ma sœur, avait été fermée, je ne connaissais plus le repos des vacances d’été, qui rétablissaient mes forces pour la longue période qu’il me faudrait ensuite passer en ville. San Silvano était la patrie où, comme les bêtes sauvages dans les bois et les oiseaux dans l’air, je me sentais naturellement à mon aise, et l’éloignement de ses bois avait toujours été pour moi une grande fatigue. Ailleurs, je ne pouvais me reposer, me reposer vraiment comme je l’entendais. Je pouvais m’étendre des journées entières sur un lit ou une chaise longue, bivouaquer dans les jardins publics, me retirer quelques semaines sur une plage peu fréquentée ; mais ce n’était pas du repos, ce n’était qu’une halte, après laquelle je devais reprendre mon activité antérieure, incessante mais toujours plus affaiblie, toujours plus monotone. Le seul remède restait alors le séjour d’un mois ou deux à San Silvano. C’est pourquoi j’avais si difficilement pardonné à ma sœur son mariage et d’être allée s’établir à Pontario, bien que Pontario ne se trouve qu’à dix kilomètres de San Silvano. Il y avait quatre ans désormais que ma sœur avait fermé notre vieille maison et depuis quatre ans, pouvais-je dire, je ne me reposais plus, lorsqu’une lettre de Giulio m’engagea à retourner à Pontario où je m’étais rendu deux ans plus tôt et dont j’étais parti avec l’intention de n’y plus revenir : la lettre de mon frère faisait même renaître en moi l’espoir d’arracher ma sœur à son mari. Giulio, qui avait revu Elisa à Rome avant de partir pour l’Allemagne, m’écrivait de Cologne, où mes lettres avaient fini par l’atteindre, et après m’avoir fait un compte rendu détaillé de la situation politique allemande qui ne m’intéressait en rien, il me parlait longuement d’Élisa.