Didier Daeninckx

Le goût de la vérité

Réponse à Gilles Perrault

Collection : Collection jaune

160 pages

12,17 €

978-2-86432-277-1

octobre 1997

En juin 1996, alors qu’il dirigeait le réseau Ras l’Front, Gilles Perrault engage son autorité en préfaçant l’ouvrage de militants révisionnistes pour lesquels le procès de Nuremberg ne fut « pas plus truqué qu’un autre ». Deux ans plus tôt, il se présentait en compagnie de nazis flamands aux élections européennes. Ces faits suscitent le trouble.

Pour tenter de le dissiper, Gilles Perrault vient de faire paraître un livre d’entretiens : Le Goût du secret.

Didier Daeninckx y répond par Le Goût de la vérité dans lequel il précise le parcours de Gilles Perrault depuis son engagement dans les parachutistes coloniaux pendant la guerre d’Algérie, jusqu’à ses nombreux dérapages banalisant la Shoah, en passant par sa collaboration avec les services secrets français pour l’écriture d’un livre tel que L’Orchestre rouge.

Le Goût de la vérité, basé sur une lecture précise des écrits et déclarations de Gilles Perrault, éclaire ce qui apparaît comme « une figure de la dissimulation ».

Ce faisant, il nous parle plus largement de tous ces êtres à double visage dont l’ombre noire obscurcit cette fin de siècle.

Par le temps qui court je ne reconnais qu’une vertu, ni le courage, ni la volonté du martyre, ni l’abnégation, ni l’aveuglement, mais seulement la volonté de comprendre. Le seul honneur qui nous reste est celui de l’entendement.

Paul Nizan, Les Conséquences du refus, 24 octobre 1939.

Ce livre n’est pas un pamphlet, ni un règlement de comptes entre écrivains. Ce n’est pas davantage une enquête « policière » sur un personnage de la scène littéraire et médiatique.

Jusqu’à la parution dans le journal Le Monde, le 8 juin 1996, d’un article de Gilles Perrault soutenant deux personnages qui participèrent à la croisade négationniste engagée par Robert Faurisson, j’avais de lui l’image d’un écrivain-enquêteur rigoureux, engagé dans les combats du siècle, même si nous nous étions trouvés quelquefois en désaccord. Au cours des mois qui ont suivi sa prise de position, de nombreuses personnes lui ont écrit, lui faisant parvenir les documents qui prouvaient de manière incontestable qu’il était mal informé sur ses protégés, qu’il se trompait lourdement sur l’analyse de leurs engagements. Il n’a jamais répondu à ces lettres amicales, et ne s’est exprimé, dans la presse, que pour confirmer l’essentiel de ce qu’il avançait dans Le Monde.

Cela m’a longtemps paru inconcevable.

Que pouvait avoir de commun l’auteur de L’Orchestre rouge, de Notre ami le roi, avec ces assassins de la mémoire ?

Je me souviens du moment où, discutant avec ma compagne, je l’ai entendue prononcer ces paroles anodines en apparence, mais chargées d’une incroyable violence iconoclaste : « Et si, en fait, Gilles Perrault était d’accord avec eux ? » Je lui en ai voulu de l’avoir simplement pensé. Puis cette phrase m’a taraudé, des jours entiers, jusqu’à ce que je me décide à sortir de mes rayonnages de bibliothèque tous les ouvrages portant sa signature. J’ai relu Le Pull-over rouge, j’ai relu Un homme à part.

La première surprise de taille est venue de la lecture d’une préface à Naître coupable, naître victime, dans laquelle Gilles Perrault s’aligne sur la position de l’avocat Jacques Vergès lors du procès Barbie, et se laisse aller à quelques considérations banalisant la Shoah. J’ai alors décidé de rassembler le maximum des écrits de Gilles Perrault – romans, essais, préfaces, articles –, les discours, conférences, émissions de radio, de télévision, les films et les scénarios.

Mon seul luxe a été le temps. N’importe quel citoyen disposant de cette denrée rare aurait pu trouver l’ensemble des informations qui m’ont permis d’apercevoir les fils étranges reliant « notre ami » aux soudards de la guerre d’Algérie, aux activistes barbouzes de La Main rouge, aux services du contre-espionnage français, aux journaux d’extrême-droite, aux fascistes flamands, à l’ultra gauche négationniste…

En septembre 1997, Gilles Perrault décide de faire la lumière sur son parcours en éditant un livre d’entretiens autobiographiques chez Arléa. La lumière y est noire. L’essentiel demeure masqué. Des pans entiers de son itinéraire sont passés sous silence, des compagnonnages fondamentaux occultés. Le titre à lui seul donne le sens de l’entreprise : Le Goût du secret.

Je mesure combien il est désespérant de voir mettre à nu la face cachée d’un homme auréolé du prestige du Juste, alors que prospèrent les meurtrières idées d’hier. Publiant le résultat de ce travail, je veux simplement affirmer en quoi il est illusoire de prétendre les combattre si, comme l’écrivait Bertolt Brecht, « ce sont nos ennemis qui marchent à notre tête ».