Nelly Sachs

Exode et métamorphose

Poèmes. Traduit de l’allemand et postface de Mireille Gansel

Collection : Der Doppelgänger

176 pages

15,22 €

978-2-86432-361-7

septembre 2002

Parus en 1957 et 1959, les deux recueils réunis dans ce volume font suite à Éclipse d’étoile et rassemblent les poèmes écrits par Nelly Sachs durant les années cinquante. Alors que son œuvre commence à rencontrer un écho (le poète Peter Huchel l’accueille en 1950 au sommaire de la prestigieuse revue littéraire est-allemande Sinn und Form, elle entame en 1957 une correspondance régulière avec Paul Celan et reçoit en Suède la visite de plusieurs jeunes écrivains allemands), Nelly Sachs doit faire face à de graves troubles dépressifs. Après la mort de sa mère en 1949, elle séjourne à plusieurs reprises en hôpital psychiatrique. À nouveau, c’est dans la lecture de la Bible, du Zohar, et dans une proximité de plus en plus accentuée avec la tradition hassidique, qu’elle puise la force de poursuivre sa route. « Lapidée par la nuit », celle qui a pris en 1940 le chemin de l’exil interroge l’histoire de son peuple et découvre, grâce aux hassidim, qu’« Israël n’est pas seulement un pays ». Les prophètes et les patriarches auxquels elle consacre, parallèlement à l’écriture des poèmes, plusieurs drames, hantent ses vers comme autant de figures vivantes.
Ils sont ici les compagnons et les guides d’un nouvel exode intérieur, d’une ascèse au terme de laquelle il redevient possible de croire en l’avenir et d’accueillir la beauté sensible :

Les métamorphoses du monde
me tiennent lieu de pays natal.

Nelly Sachs (1891-1970) a reçu le prix Nobel de littérature en 1966. Elle est avec Paul Celan la plus grande figure de la poésie allemande de l’après-guerre.

Tandis que
sous ton pied
naissait la constellation de l’Exode aux ailes de poussière,
une main jeta du feu dans ta bouche.

Ô parole d’amour enclose
ô toi soleil embrasé
dans la roue de la nuit –

Ô mon soleil
sur le tour je te façonne : tu pénètres
les oubliettes de mon amour où meurent les étoiles,
l’asile de mon souffle,
cohorte de suicidés silencieuse entre toutes.

Érode ma lumière
avec le sel des fuites océanes sans refuge –
et des paysages de l’âme en leur éclosion
rapporte le message du vent.

Les lèvres contre la pierre de la prière
toute ma vie j’embrasserai la mort,
jusqu’à ce que le chant de la semence d’or
brise le roc de la séparation.