Josef Winkler

Mère et le crayon

Roman traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay

Collection : Der Doppelgänger

92 pages

14,00 €

978-2-86432-787-5

mars 2015

Tout commence en Inde, à Ellorâ, où le narrateur déambule sans fin dans des temples bouddhistes creusés dans le roc. De temps à autre, il se plonge dans la lecture du bref journal d’Ilse Aichinger, Kleist, Mousse, Faisans. Une phrase le transporte soudain en 1943, le jour où son grand-père reçoit un courrier lui annonçant qu’Adam, le troisième de ses fils, est mort au front, comme ses deux frères avant lui. La mère du narrateur apprend la triste nouvelle par cette formule elliptique : « Notre Adam rentre aussi, mais autrement… »

Un profond silence s’étend alors sur le domaine familial. De toute sa vie, la mère du narrateur – récemment décédée – ne parlera plus. Mère et le crayon lui est tout entier consacré, et dépeint différentes scènes de sa vie, entrecoupées d’extraits de Hier en chemin, de Peter Handke, et du récit autobiographique de Peter Weiss, Adieu aux parents.

Six ans après Requiem pour un père, Josef Winkler nous livre aujourd’hui son « requiem pour une mère ».

Ce fut Thérèse, déjà, qui, dix ans plus tôt, alors que j’étais âgé de trois ans, m’avait guidé le long du large escalier de la maison des parents de ma mère et, dans la chambre funéraire de ma grand-mère, m’avait soulevé au-dessus du catafalque tout paré de ces pervenches qui s’épanouissaient dans le grand massif du jardin de mes grands-parents, où, jadis, mon grand-père, quand la factrice lui remit la lettre lui annonçant que le troisième de ses fils était mort à la guerre, sentit ses jambes flageoler et tomba à genoux. D’une main, Thérèse me retenait, de l’autre elle souleva le drap funéraire et me dit : « Regarde, petit Josef, regarde ! » Longuement, j’ai contemplé le visage pâle comme la cendre de ma grand-mère maternelle, morte d’avoir eu le cœur brisé. Jamais, même bien des décennies plus tard, je n’ai osé en parler avec mon père, qui vécut encore un demi-siècle. Combien de milliers de fois faudra-t-il le dire encore, avant qu’enfin ce cercueil m’abandonne et soit porté en terre, droit vers ce maudit ciel ou dans toute la gloire de l’enfer ?

La Nouvelle Quinzaine littéraire, 16 juin 2015, par Georges-Arthur Goldschmidt

Lire l’article

Blog de la Librairie Ptyx (Ixelles, Belgique), 8 mai 2015, par Emmanuel Requette

Lire l’article