William Butler Yeats

Les cygnes sauvages à Coole

Édition bilingue. Traduit par Jean-Yves Masson

Collection : Littérature anglaise

184 pages

18,00 €

Tirage de tête : 41 €

978-2-86432-120-0

janvier 1991

La publication de ce recueil, en 1919, consacra l’entrée de Yeats dans la période de sa plus grande maturité créatrice. Ayant définitivement conquis son ton de voix le plus personnel, Yeats donne ici à la poésie anglaise quelques-uns de ses chefs-d’œuvre, et, dépassant le symbolisme de sa jeunesse, trouve les métaphores fondamentales qui vont guider sa recherche jusqu’à la fin de sa vie. L’envol des cygnes dans le parc de Coole, vus dans la beauté d’une heure, d’une saison, d’un lieu précis, et dont le tournoiement « en grands cercles brisés » annonce les images de spirale des recueils qui suivront, est un moment inaugural : c’est la poésie du XXe siècle qui commence, et c’est aussi une poésie rêvée, utopique, impossible, qui révèle ici sa splendeur.

Ce recueil constitue la première publication intégrale en français d’un des recueils majeurs de Yeats.

Les cygnes sauvages à Coole

 

Les arbres, les voici dans leur beauté d’automne,
À travers bois les chemins sont secs,
Sous le crépuscule d’octobre les eaux
Reflètent un ciel tranquille ;
Sur les hautes eaux, passant entre les pierres,
Vont les cygnes, cinquante et neuf.

 

Le dix-neuvième automne est descendu sur moi
Depuis que je les ai comptés pour la première fois ;
Je les vis, avant d’en avoir pu finir le compte,
Qui s’élevaient soudain
Et s’égayaient en tournoyant en grands cercles brisés
Sur leurs ailes tumultueuses.

 

J’ai contemplé ces créatures brillantes
Et maintenant mon cœur est douloureux.
Tout a changé depuis qu’au crépuscule
Pour la première fois, sur ce rivage,
À entendre le carillon de leurs ailes au-dessus de ma tête
Je marchais d’une marche plus légère.

 

Toujours sans se lasser, en couples d’amants,
Ils rament dans les froids,
Les complices courants, ou grimpent dans les airs ;
Leurs cœurs n’ont pas vieilli ;
Passions ou conquêtes, où qu’ils partent errer,
Leur font toujours escorte.
Mais maintenant ils glissent sur les eaux tranquilles,
Mystérieux et pleins de beauté ;
Parmi quels joncs feront-ils leur nid,
Sur la rive de quel lac, de quel étang
Raviront-ils d’autres yeux lorsque je m’éveillerai
Et trouverai, un jour, qu’ils se sont envolés ?

Prix de l’Archipel des poètes francophones, 1992