Francis Marmande

Curro, Romero, y Curro Romero

Collection : Faenas

112 pages

11,66 €

9782864323396

mai 2001

Curro Romero, légendaire torero andalou, mythe vivant de Séville, vient d’annoncer sa retraite. À soixante-six ans, il se retire de l’arène.

Est-ce qu’une étoile peut décider toute seule qu’elle va cesser de briller ?

Dans ce beau texte élégiaque qui traduit le désarroi et la passion de tous ceux qui ont, en délicieuse souffrance, suivi cette exceptionnelle carrière qui s’achève aujourd’hui, Francis Marmande souffle sur les braises de la grande histoire des hommes : la tauromachie est ce théâtre tragique qui continue en ce monde amnésique, d’envoyer les feux antiques au milieu du désert.

Si Curro Romero est le plus exceptionnel personnage de la tauromachie contemporaine, c’est aussi parce qu’il est faillible : l’alternance hasardeuse de ses triomphes et de ses débâcles, aussi profonds les uns que les autres, en ont fait la légende. Comme une image de la grandeur et de la peine des hommes en liberté.

Curro : à Séville, les garçons de café l’appellent « Curro ». C’est un diminutif de Francisco (López Romero). Les « aficionadeaux » ne savent toujours pas qu’ils n’y ont pas droit. Ils ne rouleront jamais assez les r. Le taurin le nomme sobrement « Romero ». Ceux qui prétendent à l’impassibilité l’appellent « Curro Romero ». Presque tous, sauf les plus humbles, ont ri un jour de lui. L’énigme Romero (le « romarin », en sévillan) aura percé à jour Séville, Madrid, le vaste monde, déchiré des amis, changé la cadence du temps, arraché l’être humain à son scandaleux désir de neutralité, donné à l’échec ses éclats les plus noirs, au triomphe une saveur plus grave, à la vie…
Soir d’avril à la Maestranza (le 28, en 1979), dans un vide de sépulcre, le râle d’un Gitan, sculpté par le tabac : « ¡Curro, te odio! »
Curro je te hais.
L’an passé, un juge andalou fit réintégrer un chauffeur licencié parce qu’il n’avait pas supporté les insultes anti-curristas d’un client : le currisme, dit l’arrêté, est un fait de société constitutif de Séville. Cet arrêté fut très remarqué, Curro s’en explique doucement : « Je n’ai jamais compris les anti-curristas, comme on dit. Dans la vie, il ne faut être anti-rien. Telle est mon idée de la vie… »
Une autre fois, des chorizos, sans doute de tout petits loubards, abandonnent le casse de sa Mercedes lorsqu’ils réalisent qui en est le propriétaire. Sur le pare-brise, ils laissent un brindis d’excuses :
« Curro, nous te laissons tranquille, parce qu’en plus d’être curristas, nous faisons le même boulot que toi ; mais toi, tu as le génie de l’exercer en public, et avec tant d’arte que tout le monde t’en félicite. C’est une chance que tu as reçue de Dieu, nous n’avons pas la même.
Tes admirateurs. »