Olivier Rolin

Bric et broc

Collection : Collection jaune

144 pages

13,70 €

978-2-86432-639-7

mars 2011

Tout en pensant qu’il n’est pas indélicat, pour un écrivain, de réfléchir à sa pratique de l’écriture et de la lecture, que c’est même assez souhaitable, je crois aussi qu’il doit se convaincre de ce que Valéry écrivait dans Rhumbs : en art, les théories qu’on peut se former ne peuvent prétendre à une portée universelle, ce sont des bricolages qui servent surtout à leurs auteurs, des lanternes qui n’éclairent, sur les chemins nocturnes, que ceux qui les portent.
Ce recueil rassemble une collection hétéroclite (comme son titre l’indique) de petites lanternes personnelles. À côté de textes à visée plus ou moins générale sur la littérature, on en trouvera d’autres dont l’objet est plus nettement circonscrit, notamment un hommage au Hugo des Choses vues et une lecture de l’Iliade où éclate, je l’espère, un peu de l’enthousiasme éprouvé à revisiter les beautés de cet immense poème, que je n’avais plus fréquenté depuis ma jeunesse.

O. R.

Une vision, pour finir. On est le 7 juin 1859, Hugo, sur un cap de Guernesey, observe les approches d’une tempête. Ciel et mer comme de grandes ardoises, barrées d’un immense nuage blanchâtre. « Au point où il touche l’horizon, un vaste écrasement de vapeur rouge. » Tout est suspendu, immobile, ni vent, ni vague, ni voile. « Les oiseaux se cachent. Feux de peloton dans la nuée. » On se souvient l’avoir vu ainsi, contemplant la mer, sur des photos de son fils Charles. C’est une image, croyons-nous, du Hugo grandiose, « et s’il n’en reste qu’un je serai celui-là », c’est une statue, homme minéral taillé dans le roc, face à l’infini. (Chateaubriand se serait sûrement fait prendre en photo ainsi, s’il n’était pas mort trop tôt pour poser devant une boîte.) En vérité, c’est ce que sa légende nous a habitués à y voir, alors que, plus simplement, c’est l’homme fasciné par les éléments, l’homme qui regarde, scrute, rêve, se laisse envahir par le spectacle de la nature, le curieux universel qui voit et cherche les mots pour dire les « choses vues » (les mots, il ne les cherche pas longtemps, il en a beaucoup). « Le nuage crève. De grandes araignées de pluie s’écrasent autour de moi sur le rocher. » C’est le dessinateur, le peintre tumultueux des paysages marins : éclaboussures, rayures, traînées, coulées d’encre noire, d’encre brune, voiles de lavis, d’aquarelle, frottis de gouache, lueurs blanches, azurées, volutes d’ombre sous des hachures sépia. Edmond de Goncourt rapporte une conversation où il parle de « l’espèce de serre » (le look-out) qu’il a fait faire sur le toit de sa maison : « C’est la meilleure stalle pour voir les grands spectacles de la mer, pour étudier le sens d’une tempête. Oui, on s’est beaucoup moqué de moi à propos de cela. Mais une tempête, ça parle, ça vous interroge, ça a des intermittences, des exclamations ! »

Qu’ajouter à cela ?

« Répliques », par Alain Finkielkraut, France Culture, samedi 2 juillet 2011, de 9h10 à 10h

« Plan B… pour Bonnaud », par Frédéric Bonnaud, Le Mouv’, mercredi 1er juin 2011, de 16h à 17h

« À plus d’un titre », par Tewfik Hakem, France Culture, jeudi 28 avril 2011, de 16h à 17h

« La Grande Table », par Caroline Broué et Hervé Gardette, France Culture, lundi 21 mars 2011, de 12h50 à 13h30