Tonino Devienne

Domaine de Breakdown

Collection : Chaoïd

96 pages

9,94 €

978-2-86432-526-0

mars 2008

L’histoire se déroule de nos jours. Ses héros sont, quant au caractère, décidés, passionnés et naïfs.

Les règles auxquelles ils sont fidèles les entraînent d’Asie Centrale jusqu’aux confins escarpés des Alpes et de la Drôme.

Puis à rebours sur les mêmes routes, puisque ces aventuriers qui tirent toute leur énergie du réel, restent des bêtes sentimentales.

Sur une plaque cabossée, on pouvait encore lire en lettres noires : Domaine de Breakdown. Barré par ce panneau de taille imposante et par une herse à balancier mal fichue, s’étendait un paysage austère. Une rocaille aux arêtes vives déroutait les rares visiteurs arrivés si haut au-dessus du causse. Ils devaient alors faire demi-tour. D’ailleurs le vent, pourtant porteur d’un fort parfum de thym et de marjolaine, était glacial. Ceux qui avaient eu la force de monter jusque-là reprenaient donc l’interminable sentier de terre par lequel ils étaient venus. Au moment de rebrousser chemin, ils ne pouvaient rien faire sinon jeter un bref regard de dépit par-delà la barrière, et les pierres.

Car il ne semblait pas que ce Domaine de Breakdown puisse être quoi que ce soit de plus, de toute façon, qu’une garrigue inaccessible. Quelque chose d’aride dont le panneau annonçait les dangers. Devant soi, que ces cailloux pointus. Il n’y avait pas le choix, il fallait redescendre. Villages et chemins sont maigres dans cette moyenne montagne de la Drôme et des Alpes. Du panneau, le village le plus proche, juché sur un piton, était atteint après trois heures de marche. Seize kilomètres de dénivelés harassants qui cassaient les genoux. Cependant, pour celui qui aurait passé outre et surmonté l’angoisse des carrefours, de vagues signes indiquaient la naissance d’un chemin. Un chemin de moutons ou de bêtes sauvages certes, mais un tracé tout de même. Cela suffisait du moins pour sinuer maladroitement entre les pierres sans s’y déchirer la semelle. L’hiver, bien sûr, de tels indices étaient ténus. Un peu d’herbe noire écrasée de là en là. Au printemps, des fleurs bleuâtres pointillaient une issue hors du labyrinthe de pierre. Mais à supposer que le voyageur eût passé cette premi­ère épreuve, une autre, plus difficile, l’attendait pour le désespérer.