Mario Luzi

À l’image de l’homme

Poésie. Traduit par Jean-Yves Masson

Collection : Terra d’altri

224 pages

15,22 €

978-2-86432-408-9

mai 2004

Paru à l’automne 1999 en Italie, À l’image de l’homme est le dernier en date de la série des grands livres « symphoniques » de Mario Luzi inaugurée en 1985 avec Pour le baptême de nos fragments. Le précédent livre-poème de l’auteur, Voyage terrestre et céleste de Simone Martini, prenait la forme d’une fiction proche du « roman en vers ». À l’image de l’homme est très loin de présenter la même dimension narrative, mais repose néanmoins sur une fiction : les poèmes en sont attribués à un double imaginaire du poète, Lorenzo Malagugini. Les onze sections du livre sont les fragments posthumes, recueillis par ses amis, de son journal intime dont le fil conducteur, écrit Mario Luzi en tête du livre, serait l’idée d’un « noviciat incessant ».

Si la confession directe est ici résolument voilée, la particularité de ce « journal sans dates » est d’enregistrer aussi bien la dictée de l’expérience, la succession des circonstances quotidiennes (un voyage en Hollande, un pèlerinage à Assise, une promenade au bord de l’Arno, un soir à Lugano…) que les méditations religieuses les plus intemporelles, tournées vers l’énigme de la vie future. Le noviciat étant la période préparatoire à l’entrée dans un ordre religieux, on comprend que le « noviciat incessant » dont il s’agit dans ces pages est une manière de concevoir la vie entière comme préparation à un accomplissement qui se situe au-delà d’elle, et hors du temps.

Il pleut à verse,

l’antique printemps pluvieux

sur les murs antiques,

ravine la ville,

la baigne

d’ennui et de temps,

lui apporte la vie,

en perçoit

– avec ivresse –

la première injure

dans tous ses jardins,

sur tous ses belvédères

encore desséchés,

la soulage aussi de ses dépouilles,

scories, cendres, immondices

qui tombent dans les caniveaux et les rigoles,

tout se précipite vers le fleuve…

Le fleuve ne s’y refuse pas,

il accueille ce que le temps

de l’homme et la nature

lui versent, sans oublier

ce que lui-même dérobe

aux moments où il se gonfle,

et il les absout ensuite dans sa magnificence,

il les prépare à la disparition

et au retour, où ? aux mêmes rives,

parmi maisons, murailles, rocs, en des visages aux fenêtres,

en frondaisons, en de nouveaux

éphémères firmaments citadins.