Youssef Ishaghpour

La miniature persane

Les couleurs de la lumière : le miroir et le jardin

Nouvelle édition revue et augmentée

Collection : Verdier/poche

96 pages

6,90 €

978-2-86432-570-3

février 2009

La beauté éblouissante de la miniature persane, la splendeur de son monde merveilleux de terre des songes est celle de la couleur pure. C’est la liberté, la finesse, la délicatesse et la multiplicité de ses couleurs qui la distinguent des peintures classiques de la Chine et de l’Occident.
Vision paradisiaque, miroir et jardin, la miniature persane réalise l’union du principe abstrait de l’ornement islamique avec cette croyance théosophique de l’ancienne Perse : « C’est grâce à Sa lumière que le monde s’est vêtu d’une parure de joie. »

La beauté magique, éblouissante, la splendeur de la miniature persane est celle de la couleur pure. La luminosité des couleurs du visible, leur absolue liberté, leurs finesses et sensibilités délicates, la multiplicité, l’infinité des nuances et leurs harmonies subtiles distinguent les plus belles miniatures persanes des chefs-d’œuvre de la peinture chinoise et occidentale.
Dans la peinture classique de l’Occident, la rédemption de la matière et du monde des phénomènes s’accomplit par leur accession à la forme, à l’idée ; en Chine, avec la relation du plein au vide ; dans la miniature persane, par la transsubstantiation alchimique de la matière en couleurs de lumière. La poudre d’or, d’argent, de lapis-lazuli, d’émeraude et d’autres pierres précieuses subliment la matérialité pour qu’elle ne soit plus que réflexion de la lumière. Les choses dépouillées de leurs scories, de leur part obscure, du poids, du volume et de l’ombre apparaissent comme dans un miroir magique, qui ne réfléchit pas, à sa ressemblance, ce qui est devant lui, mais l’éclaire par une autre lumière et le porte dans un autre lieu, pour le métamorphoser en image d’ailleurs. Le somptueux caractérise cette apparition et le merveilleux en est l’effet et la tonalité.
Cependant l’inouï n’est absolument pas au niveau des choses : il y a, certes, le dragon, l’oiseau Symorgh, les anges et les dives de l’ancienne mythologie des Perses, mais c’est tout ce qui entre dans le miroir magique de la miniature persane qui s’y métamorphose en pure couleur : aussi bien le jardin, le palais, la romance, la fête, la chasse, la guerre des rois, que le trivial d’un bain, d’une construction ou d’un marchand de pastèques. Tout accède à la même splendeur merveilleuse, en apparaissant comme dans le lointain suspendu d’un monde de songe et de conte. Il n’existe aucun drame ; s’il y a parfois la violence et la mort, aucune émotion ou signification, mais un sentiment céleste de détachement, de paix, d’éternité. La beauté de ce jardin paradisiaque n’est pas la manifestation de l’essence des choses, mais leur reflet dans une lumière qui a sa source ailleurs : « C’est grâce à Sa lumière que l’univers s’est vêtu d’une parure de joie » (gâthâ, VIIIe av. J.-C.).

« Du jour au lendemain », par Alain Veinstein, France Culture, jeudi 26 mars 2009 à 23h30