Raffaele Nigro

La baronne de l’Olivento

Roman. Traduit par Hélène Leroy

Collection : Terra d’altri

256 pages

19,27 €

978-2-86432-246-7

octobre 1996

Les Feux du Basento, le premier roman de Raffaele Nigro, faisait revivre le mythe d’une république paysanne dans le Sud italien. Une autre utopie donne son sens à La Baronne de l’Olivento : celle d’une civilisation adriatique menacée par les violences de l’histoire, à l’aube des temps modernes. Situé, entre 1440 et 1494, en Albanie et dans les trois régions de la péninsule dont l’auteur s’est fait le chantre, Campanie, Pouilles et Basilicate, ce second roman conte l’amour d’un frère et d’une sœur, Stanislas et Vlaïka Brentano, alors que Skanderbeg lutte contre le joug ottoman, que Gutenberg impose son invention et que des communautés albanaises s’installent au sud de l’Italie.

Une étrange procuration unit frère et sœur, Stanislas fougueux pousuivant son rêve de culture de part et d’autre de la mer, et Vlaïka privée de membres mais habitée par la puissance de la vision et du rêve. À l’image de ces deux êtres, proches et dissemblables comme le sont l’acteur et le témoin, le roman mêle la fable et la chronique, les personnages historiques et inventés, les créatures réelles et fantastiques. Nombre de conflits donnent à l’épopée son rythme : la guerre entre les chrétiens et les Turcs, le complot des barons au sein du royaume de Naples, les joutes entre clercs et hommes de science, entre tenants d’Aristote et de Platon.

La Baronne de l’Olivento est un livre de conteur, nourri d’une érudition vive, d’une connaissance profonde des cultures, qu’elles soient de cour ou populaires, et tout entier porté par le désir de transfigurer le réel sans renoncer à le comprendre.

Je ruminais entre mes dents : « Bienheureux Stanislas, tu possèdes bras et jambes et un grand dessein occupe ton esprit. » Cette diversité de corps et de pensées entre mon frère et moi me montrait à l’évidence que la vie est sujette aux caprices de la Fortune. Je me surprenais à envier mon frère et tous ceux qui, hommes et animaux, se déplaçaient autour de moi. La vie est semblable au jeu de l’oie, pensais-je, il nous faut la traverser d’un bout à l’autre, surmonter difficultés et obstacles en deux ou trois coups de dés. Dès que le but est atteint, on a gagné. Mais quel est le but de la vie, le bonheur imprévu ou la rencontre avec l’archange faucheur ? Doit-on peiner toute sa vie uniquement pour se préparer à une bonne mort ?

Stanislas m’avait dessiné sur du papier un jeu de l’oie comportant trente-trois cases. Je gardais cette feuille rangée dans mon panier, de temps à autre je la dépliais et jouais seule, pour tromper mon ennui, appelant à l’aide chaque fois que les dés tombaient hors de ma portée. À la case trente-trois correspondait l’un des objectifs de ma vie, une date que l’on m’avait indiquée à Uzice : à cet âge-là mon corps devait atteindre sa complétude et je quitterais ma corbeille.