La Croix, 2 juin 1996, par Louise L. Lambrichs

Prison du temps fait partie de ces livres immédiatement intimes, qui rendent soudain lumineux ce que l’on s’était toujours dit sans l’avoir jamais formulé, de ces œuvres qui vous apprennent ce que l’on savait depuis longtemps sans avoir été capable, seul, de l’admettre. Parce que parlant de lui, d’expériences qui l’ont marqué – un voyage en Italie, la mort de proches ; d’émotions ou de sentiments qui l’habitent – la colère, l’amitié, Lercher réussit ce tour de force de parler de tous, avec pudeur et précision, sans complaisance ni compromis. S’en dégage une vision de l’humain qui, évitant aussi bien la coquetterie littéraire du désespoir que la compassion béate, baigne dans une humeur noire adoucie par un humour aussi discret que permanent. Lisant Lercher, il arrive que l’on pense à Perros, ils partagent dans l’écriture cette sobre élégance qui imprègne aussi le regard, la pensée – une pensée sachant, sans sublimer le misérable destin de la condition humaine, que sa grandeur est, sans fard, de l’affronter.